Quelles adaptations du bilan fonctionnel pour un patient à IMC élevé ?

Par Alphonse Doutriaux

1 août 2025

6 min

Chez un patient présentant une obésité modérée à sévère, le bilan kinésithérapique standard n’est souvent ni suffisant ni adapté. Pourtant, ce premier contact est décisif : c’est à ce moment-là que se joue la compréhension des limitations, l’adhésion au projet thérapeutique, et la construction d’une relation de confiance.

 

Trop souvent, ce bilan est mené de façon rigide ou superficielle, sans prendre en compte les spécificités liées au poids, à la mobilité réduite ou aux douleurs associées. Résultat : un patient démotivé, une évaluation incomplète, et un protocole inadapté qui risque de freiner les progrès dès le départ.

 

Pourtant, avec des ajustements ciblés, il est possible de mener un bilan clinique complet, rassurant et utile. En intégrant les contraintes biomécaniques, les composantes fonctionnelles et la perception corporelle du patient, le kiné peut construire une base solide pour orienter une rééducation réellement individualisée. Voici comment adapter votre évaluation fonctionnelle à l’obésité, tout en valorisant l’activité physique comme moteur de changement.

Pourquoi adapter le bilan fonctionnel à l’IMC élevé ?

L’obésité modifie profondément la physiologie du mouvement. Le simple fait de se lever, marcher ou changer de position peut devenir coûteux en énergie, douloureux, ou anxiogène. De plus, les adaptations posturales (hyperlordose, rétroversion, marche en abduction) perturbent les repères habituels du kinésithérapeute.

 

Un patient en situation d’obésité n’a pas les mêmes schémas moteurs, les mêmes réponses à l’effort, ni les mêmes freins psychologiques qu’un patient à IMC standard. Un bilan fonctionnel classique risque de sous-estimer les limitations réelles ou de décourager d’entrée le patient.

 

Adapter votre évaluation permet donc de :

 

  • mesurer avec justesse les capacités initiales ;

  • fixer des objectifs atteignables et progressifs ;

  • créer une alliance thérapeutique autour du mouvement ;

  • orienter une prise en charge respectueuse et sécurisée.

Bon à savoir

Ces ajustements sont également fondamentaux chez les patients ayant subi une chirurgie bariatrique. Découvrez les spécificités du bilan post-opératoire en kinésithérapie. 

Quelles dimensions doivent être explorées en priorité ?

Un bilan réussi chez un patient obèse repose sur une approche fonctionnelle, globale et centrée sur l’expérience corporelle du patient.

1. Endurance et tolérance à l’effort

Commencez par des tests simples et reproductibles :

 

  • Test de marche de 6 minutes (TM6) : excellent outil pour objectiver l’endurance de base.

  • Test de lever de chaise : évalue la coordination, l’endurance et la fonction des membres inférieurs.

  • Fréquence cardiaque et essoufflement perçu via l’échelle de Borg : à suivre à l’effort et en récupération.

Ces tests permettent de détecter une désadaptation cardiovasculaire et de calibrer les premières séances d’activité physique.

2. Équilibre et sécurité des appuis

Les troubles de l’équilibre sont fréquents chez les patients à IMC élevé. Ils augmentent le risque de chute, notamment lors des transferts ou des exercices en charge.

 

  • Évaluation de la station debout prolongée ;

  • Tests d’équilibre simple (appui unipodal, Romberg) ;

  • Observation des compensations (pieds écartés, verrouillage articulaire, appuis fuyants).

Ce bilan oriente les exercices de proprioception et les renforcements ciblés (chevilles, fessiers, ceinture abdo-lombaire).

3. Mobilité articulaire

La restriction des amplitudes n’est pas systématique mais doit être explorée :

 

  • Épaules (mains à la nuque, mains aux omoplates) ;

  • Hanches (flexion active en décubitus) ;

  • Genoux (flexion/extension debout ou assis).

Attention aux compensations posturales et aux douleurs articulaires lors des mobilisations.

4. Motricité fonctionnelle

Observez les gestes de la vie quotidienne :

 

  • Passage assis-debout ;

  • Relevé du sol ;

  • Marche sur 10 mètres.

Ces évaluations orientent la rééducation vers des objectifs concrets et utiles au patient. Elles sont aussi de puissants marqueurs de progression.

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Comment tenir compte des freins psychologiques ?

Un bilan fonctionnel ne peut ignorer l’aspect émotionnel lié au corps. Les patients obèses ont souvent une relation complexe à leur image corporelle, à la douleur, au regard médical.

 

Prenez le temps d’écouter leur vécu, sans jugement :

 

  • Comment vivent-ils leur mobilité ?

  • Quelles sont leurs appréhensions vis-à-vis de l’effort ?

  • Quelles expériences passées les ont marqués, positivement ou négativement ?

L’objectif est de transformer ce moment d’évaluation en point de départ vers l’action, et non en épreuve.

Bon à savoir

La relation de confiance est souvent le levier qui permet de transformer l’évaluation en moment constructif. Découvrez nos conseils pour établir une relation thérapeutique solide avec vos patients obèses.

Quels outils spécifiques intégrer dans le bilan ?

1. Grilles fonctionnelles adaptées

Utilisez des grilles issues de la pratique en rééducation de l’obésité :

 

  • Score de limitation fonctionnelle ;

  • Échelle d’autonomie à la marche ;

  • Grille de mobilité selon les zones douloureuses.

Elles permettent un suivi chiffré et motivant.

2. Auto-évaluation par le patient

Proposez au patient de remplir une fiche sur :

 

  • ses habitudes de vie ;

  • ses douleurs dans la journée ;

  • ses difficultés spécifiques (habillage, transport, toilette…).

Ces données enrichissent votre regard clinique et aident à prioriser les objectifs.

3. Mesures complémentaires

Si vous êtes équipé, pensez à :

 

  • un dynamomètre de préhension ;

  • un pèse-personne avec impédancemétrie ;

  • une évaluation de la posture debout sur podoscope.

Obésité et activité physique : comment la valoriser dès le bilan ?

L’objectif du bilan n’est pas uniquement de constater, mais aussi de donner envie de bouger. Utilisez ce moment pour :

 

  • valoriser les capacités présentes : “Vous vous relevez très bien de la chaise” ;

  • fixer des objectifs concrets : “L’idée serait de marcher 5 minutes sans pause d’ici 15 jours” ;

  • rassurer sur les douleurs : “C’est normal d’être essoufflé, ce n’est pas dangereux” ;

  • expliquer les bienfaits de l’activité physique, même sans perte de poids.

Le kiné est souvent la première personne à redonner un cadre sécurisant à l’effort. Faites du bilan un levier motivationnel.

Adapter l’environnement du bilan

Petits détails, gros effets :

 

  • Prévoir un fauteuil large et stable pour l’entretien ;

  • Adapter la table d’examen (hauteur, appuis) ;

  • Utiliser des outils simples, visuels, accessibles.

L’objectif est de rendre le cadre rassurant, confortable et inclusif.

Et après ? Transformer le bilan en plan d’action

À l’issue du bilan :

 

  • Fixez 3 objectifs fonctionnels atteignables ;

  • Proposez un planning d’activités sur 2 à 4 semaines ;

  • Prévoyez un point d’étape à la 5e séance pour motiver et réajuster.

Un bon bilan ne se limite pas à observer : il oriente, structure et engage le patient dans un parcours actif.

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Alphonse Doutriaux

1 août 2025

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Cet article vous guide pas à pas pour construire une stratégie de rééducation efficace et durable. Du bilan fonctionnel aux exercices ciblés, en passant par la posture thérapeutique et les erreurs à éviter, vous trouverez ici des repères concrets pour accompagner vos patients atteints d’obésité avec justesse, humanité et efficacité.

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Pourtant, avec des ajustements ciblés, il est possible de mener un bilan clinique complet, rassurant et utile. En intégrant les contraintes biomécaniques, les composantes fonctionnelles et la perception corporelle du patient, le kiné peut construire une base solide pour orienter une rééducation réellement individualisée. Voici comment adapter votre évaluation fonctionnelle à l’obésité, tout en valorisant l’activité physique comme moteur de changement.

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Ces comorbidités liées à l’obésité modifient profondément la manière d’aborder la rééducation. Elles augmentent les risques, diminuent la tolérance à l’effort et rendent certains protocoles classiques inadaptés.

 

Face à ces situations, il devient indispensable d’adapter votre pratique. Comprendre l’impact de chaque comorbidité vous permettra de sécuriser vos séances, d’améliorer l’adhésion du patient au traitement, et de jouer pleinement votre rôle dans la coordination du parcours de soins

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Dans ce contexte, la construction d’une relation thérapeutique durable représente un enjeu crucial. Sans alliance solide, pas d’adhésion au soin, pas de régularité, et encore moins d’évolution positive sur le plan moteur et fonctionnel.

 

Pourtant, en tant que kiné, vous disposez de leviers concrets pour instaurer un climat de confiance, favoriser l’engagement du patient dans sa prise en charge, et inscrire la rééducation dans une dynamique de long terme. Découvrez les bonnes pratiques issues de la formation Walter Santé pour faire de chaque séance un moment constructif, respectueux et motivant.