Kiné : quelle stratégie adopter pour la prise en charge de l’obésité ?

Par Alphonse Doutriaux

1 août 2025

7 min

L’obésité n’est pas qu’un chiffre sur la balance. Elle transforme la posture, perturbe la biomécanique, limite la fonction et isole parfois les patients de toute dynamique corporelle. Pour les kinésithérapeutes, ces répercussions complexes posent un véritable défi : comment faire bouger un corps douloureux, fragile et souvent démotivé, sans aggraver les symptômes ou brusquer le patient ?

 

Dans ce contexte, la rééducation classique ne suffit plus. Elle doit être adaptée, progressive, et tenir compte d’une réalité multifactorielle où la douleur, la fatigue, les comorbidités et le vécu du patient s’entremêlent. Sans une approche individualisée et bienveillante, les efforts risquent d’être vains, voire contre-productifs.

 

Cet article vous guide pas à pas pour construire une stratégie de rééducation efficace et durable. Du bilan fonctionnel aux exercices ciblés, en passant par la posture thérapeutique et les erreurs à éviter, vous trouverez ici des repères concrets pour accompagner vos patients atteints d’obésité avec justesse, humanité et efficacité.

Pourquoi adapter la rééducation chez un patient obèse ?

L’obésité affecte l’ensemble des fonctions biomécaniques. Le centre de gravité est déplacé, les articulations portantes sont sursollicitées, et la posture est altérée. Ces patients présentent fréquemment des douleurs chroniques, une désadaptation à l’effort et une limitation de leurs activités de la vie quotidienne.

 

En parallèle, les comorbidités sont fréquentes : diabète, apnée du sommeil, arthrose, hypertension, syndrome métabolique. Toutes ces composantes exigent une adaptation fine des protocoles de rééducation. Le kinésithérapeute doit aussi tenir compte des traitements médicamenteux, qui peuvent induire une fatigabilité accrue, ou encore des antécédents chirurgicaux comme une chirurgie bariatrique.

 

Votre rôle en tant que kinésithérapeute est d’agir au carrefour du mouvement, de la fonction et de la motivation, en tenant compte de l’histoire personnelle du patient, de ses capacités réelles et de ses objectifs. La rééducation n’est pas un modèle unique : elle doit être co-construite et évolutive.

Astuce

Pour démarrer efficacement, le bilan fonctionnel joue un rôle central. Découvrez comment adapter votre évaluation kiné à l’obésité et poser les bases d’un programme individualisé.

Comment structurer un bilan kiné chez un patient obèse ?

La première étape est de mener un bilan fonctionnel complet, en intégrant à la fois des mesures objectives et l’expérience vécue du patient.

Outils recommandés

  • Test de marche de 6 minutes (TM6) : mesure de l’endurance à l’effort et outil d’évolution dans le temps.

  • Échelle de Borg : auto-évaluation de la dyspnée à l’effort, très utile pour ajuster l’intensité.

  • Tour de taille et IMC : repères de risque métabolique mais à compléter par une analyse fonctionnelle.

  • Grille d’observation : évalue les transferts, la qualité du mouvement, la posture, la statique.

  • Entretien motivationnel : indispensable pour identifier les leviers de changement.

Astuce

Astuce pro : proposez un petit questionnaire sur les habitudes de vie (temps sédentaire, alimentation, sommeil, stress). Cela vous donnera des pistes précieuses pour personnaliser la prise en charge et pour fixer des objectifs fonctionnels réalistes. 

Quelles étapes dans la stratégie de rééducation ?

1. Relancer le mouvement en douceur

La phase initiale consiste à rompre l’inertie tout en respectant les douleurs et les limites articulaires du patient. L’approche doit être progressive et sans jugement.

 

  • Activités portées : vélo assis, balnéothérapie, mobilisation active en décharge.

  • Exercices respiratoires et posturaux : essentiels pour la posture, le souffle et la conscience corporelle.

  • Travail segmentaire : réintégration motrice des membres inférieurs, dissociation ceinture pelvienne et scapulaire.

Les séances doivent être courtes, bien encadrées, avec un feedback constant. L’objectif est d’installer un climat de confiance et d’éviter tout échec.

2. Renforcer les chaînes musculaires profondes

Le renforcement est indispensable pour soutenir le squelette et prévenir les troubles musculosquelettiques. Il doit commencer dès que possible, mais à faible intensité.

 

  • Ciblez la sangle abdo-lombaire, les fessiers et les quadriceps.

  • Travaillez en isométrique ou avec des charges légères.

  • Utilisez des supports comme des ballons, coussins d’équilibre ou planches instables.

Bon à savoir

💡 Intégrer des ateliers de proprioception permet également de travailler l’équilibre, souvent perturbé dans l’obésité.

Ce travail de renforcement est d’autant plus crucial en présence de douleurs articulaires ou de fatigue chronique. Apprenez à intégrer les comorbidités comme l’arthrose ou l’apnée dans votre stratégie de rééducation.

3. Intégrer progressivement l’endurance

Une fois les douleurs mieux contrôlées et le mouvement restauré, la rééducation peut inclure une composante cardiovasculaire.

 

  • Marches fractionnées, même sur quelques mètres au départ.

  • Cycloergomètre à résistance basse, avec suivi de la fréquence cardiaque.

  • Applications ou podomètres pour suivre la progression quotidienne.

 

N’hésitez pas à introduire des séances à domicile encadrées à distance : vidéos, plannings personnalisés, carnet de suivi.

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Quelle posture thérapeutique adopter ?

L’obésité est souvent associée à un vécu de rejet ou de stigmatisation médicale. Votre posture doit être bienveillante, non culpabilisante et valorisante.

 

  • Ne commentez pas le poids : concentrez-vous sur les progrès fonctionnels.

  • Soulignez les avancées, aussi modestes soient-elles (moins d’essoufflement, amélioration du sommeil, meilleur équilibre).

  • Impliquez le patient dans les choix thérapeutiques et les objectifs.

Le rapport au corps étant souvent altéré, une communication empathique est essentielle. L’alliance thérapeutique est votre meilleur outil pour maintenir l’engagement sur le long terme.

Quelles erreurs éviter dans cette prise en charge ?

  • Négliger la progressivité : aller trop vite risque de majorer la douleur ou la fatigue.

  • Proposer un programme standardisé : chaque patient a un vécu, une histoire, une physiologie.

  • Ignorer les troubles psychologiques associés : anxiété, dépression, TCA doivent être pris en compte.

  • Travailler en isolement : le lien avec les autres professionnels (diététicien, médecin, APA, psychologue) est fondamental.

Bon à savoir

Rester flexible et à l’écoute permet d’éviter la démotivation ou l’abandon précoce.

Focus : que faire en cas d’obésité sarcopénique ?

Cette forme d’obésité, souvent silencieuse, se caractérise par une masse musculaire faible malgré un IMC élevé. Elle touche principalement les personnes âgées ou très sédentaires.

Conséquences

  • Faible tolérance à l’effort ;

  • Risque accru de chutes ;

  • Difficulté à monter des escaliers ou à se relever du sol.

Le traitement repose sur un renforcement musculaire analytique, orienté sur la qualité du geste, la régularité des séances et la sécurisation des appuis. Le kiné joue ici un rôle pivot pour retarder la dépendance.

Et après ? Assurer un suivi durable

Ne laissez pas le patient seul une fois la rééducation initiale terminée. Proposez :

 

  • Un programme d’auto-rééducation à domicile clair et adapté ;

  • Des supports visuels (fiches, vidéos, applications simples) ;

  • Un relais vers une activité physique adaptée de proximité ;

  • Une progression encadrée vers des activités de vie réelle (marche, escaliers, transports).

Un suivi régulier, même espacé, permet de réajuster les objectifs et d’éviter les rechutes. L’éducation thérapeutique doit accompagner le patient dans l’intégration durable de l’activité physique dans sa vie.

Bon à savoir

Au-delà du protocole, la qualité de la relation thérapeutique joue un rôle déterminant dans l’adhésion à long terme. Voici comment construire une alliance durable avec vos patients en situation d’obésité.

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Alphonse Doutriaux

1 août 2025

Chez un patient présentant une obésité modérée à sévère, le bilan kinésithérapique standard n’est souvent ni suffisant ni adapté. Pourtant, ce premier contact est décisif : c’est à ce moment-là que se joue la compréhension des limitations, l’adhésion au projet thérapeutique, et la construction d’une relation de confiance.

 

Trop souvent, ce bilan est mené de façon rigide ou superficielle, sans prendre en compte les spécificités liées au poids, à la mobilité réduite ou aux douleurs associées. Résultat : un patient démotivé, une évaluation incomplète, et un protocole inadapté qui risque de freiner les progrès dès le départ.

 

Pourtant, avec des ajustements ciblés, il est possible de mener un bilan clinique complet, rassurant et utile. En intégrant les contraintes biomécaniques, les composantes fonctionnelles et la perception corporelle du patient, le kiné peut construire une base solide pour orienter une rééducation réellement individualisée. Voici comment adapter votre évaluation fonctionnelle à l’obésité, tout en valorisant l’activité physique comme moteur de changement.

Alphonse Doutriaux

1 août 2025

L’obésité est une pathologie chronique complexe, rarement isolée. Dans votre pratique de kinésithérapeute, vous êtes de plus en plus souvent confronté à des patients à IMC élevé cumulant plusieurs troubles associés : apnée du sommeil, arthrose, diabète, ou encore troubles dépressifs.

 

Ces comorbidités liées à l’obésité modifient profondément la manière d’aborder la rééducation. Elles augmentent les risques, diminuent la tolérance à l’effort et rendent certains protocoles classiques inadaptés.

 

Face à ces situations, il devient indispensable d’adapter votre pratique. Comprendre l’impact de chaque comorbidité vous permettra de sécuriser vos séances, d’améliorer l’adhésion du patient au traitement, et de jouer pleinement votre rôle dans la coordination du parcours de soins

Alphonse Doutriaux

1 août 2025

La chirurgie bariatrique permet une perte de poids rapide et significative. Pourtant, de nombreux patients opèrent cette transformation sans accompagnement kinésithérapique spécifique. Résultat : fonte musculaire, douleurs, fatigue et parfois reprise de poids.

 

En tant que kinésithérapeute, vous avez un rôle central à jouer dans la réussite de ce parcours. De la rééducation précoce à l'autonomisation physique, votre expertise permet d’optimiser les résultats de l’intervention tout en évitant les écueils fonctionnels.

 

Découvrez comment mettre en place un protocole post-bariatrique structuré, progressif et sécurisé, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire.

Alphonse Doutriaux

1 août 2025

La relation entre un kinésithérapeute et un patient obèse peut être entachée de non-dits, de gêne ou de malentendus. Nombre de patients en situation d'obésité ont vécu des expériences médicales marquées par la stigmatisation, le jugement ou l’invisibilisation de leurs besoins spécifiques.

 

Dans ce contexte, la construction d’une relation thérapeutique durable représente un enjeu crucial. Sans alliance solide, pas d’adhésion au soin, pas de régularité, et encore moins d’évolution positive sur le plan moteur et fonctionnel.

 

Pourtant, en tant que kiné, vous disposez de leviers concrets pour instaurer un climat de confiance, favoriser l’engagement du patient dans sa prise en charge, et inscrire la rééducation dans une dynamique de long terme. Découvrez les bonnes pratiques issues de la formation Walter Santé pour faire de chaque séance un moment constructif, respectueux et motivant.