Dermatite séborrhéique ou eczéma ? Le diagnostic dermatologique

Par Alphonse Doutriaux

8 août 2025

5 min

En consultation, les plaques érythémato-squameuses chroniques posent souvent un défi diagnostique. Le tableau clinique peut évoquer une dermatite séborrhéique comme un eczéma chronique. Pourtant, ces pathologies nécessitent des traitements et un suivi différents.

 

En tant que dermatologue, il est essentiel de savoir les différencier précisément pour orienter votre prise en charge et éviter les erreurs thérapeutiques. Cet article vous propose un rappel structuré des critères différentiels entre ces deux dermatoses inflammatoires.

Deux entités inflammatoires aux points communs trompeurs

L’eczéma chronique et la dermatite séborrhéique sont toutes deux des dermatoses inflammatoires chroniques évoluant par poussées. Elles peuvent se présenter sous forme de plaques rouges, prurigineuses, recouvertes de squames, ce qui rend leur différenciation parfois difficile, surtout dans les formes faciales ou rétro-auriculaires.

 

Pourtant, leur étiopathogénie, leur évolution clinique, leurs localisations préférentielles et leur réponse aux traitements sont très différentes.

Critères cliniques : 5 différences essentielles à observer

1. La topographie des lésions

  • Eczéma chronique : prédominance dans les plis (cervical, coudes, genoux), mains, paupières ou zones de frottement.
  • Dermatite séborrhéique : atteinte classique des zones séborrhéiques : sillons nasogéniens, sourcils, racine du nez, cuir chevelu, rétro-auriculaire, sternum.

Important

📌 Retenez que la régularité topographique est un indicateur fiable : une atteinte frontale ou du tronc évoque davantage une dermatite séborrhéique.

2. L’aspect des squames

  • Eczéma : squames sèches, fines, souvent associées à une exsudation ou à une lichénification.

  • Dermatite séborrhéique : squames grasses, jaunâtres, souvent adhérentes et localisées autour des follicules.

💡 Le caractère gras des squames et leur distribution en nappe sont très évocateurs.

3. Intensité du prurit

  • Eczéma : prurit intense, souvent premier motif de consultation.

  • Dermatite séborrhéique : prurit modéré ou absent.

🎯 Un prurit violent avec grattage nocturne oriente vers un eczéma.

4. Évolution

  • Eczéma : poussées aiguës, déclenchées par des irritants ou allergènes, alternant avec des périodes de rémission.

  • Dermatite séborrhéique : évolution chronique ou subaiguë, avec récidives saisonnières (hiver) et exacerbations au stress.

5. Terrain du patient

  • Eczéma : antécédents d’atopie, asthme, rhinite allergique, peau sèche généralisée.

  • Dermatite séborrhéique : parfois associé à un terrain immunodéprimé (VIH, maladie de Parkinson, traitements immunosuppresseurs).

📋 L’interrogatoire est fondamental pour révéler un terrain atopique latent.

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Diagnostic différentiel : quel traitement test ?

Dans certains cas, le diagnostic repose aussi sur la réponse au traitement :

 

  • Si amélioration sous corticoïdes topiques, l’eczéma est probable.

  • Si réponse rapide au kétoconazole ou au ciclopirox, suspicion de dermatite séborrhéique.

⚠️ Attention à ne pas entretenir une corticodépendance en cas de dermatite séborrhéique mal diagnostiquée.

Et si les signes cliniques sont ambigus ?

Chez certains patients, les formes peuvent être mixtes ou modifiées par les traitements (corticoïdes, immunomodulateurs). Les signes deviennent alors moins spécifiques :

 

  • Lésions faciales chroniques corticotraquées,

  • Formes “sèches” de DS,

  • Eczéma localisé au visage chez l’adulte sans antécédents apparents.

Dans ces situations, le recours à la biopsie cutanée peut aider :

 

  • Eczéma : spongiose, infiltrat lymphocytaire.

  • Dermatite séborrhéique : parakératose, présence de Malassezia, folliculite.

Le rôle du microbiote dans la dermatite séborrhéique

La dermatite séborrhéique est fortement liée à la prolifération de Malassezia furfur, un levure lipophile naturellement présente sur la peau. Ce micro-organisme, en excès, déclenche une réaction inflammatoire locale.

 

Un traitement antifongique topique permet souvent un soulagement rapide, soulignant le rôle pathogène de cette flore.

Eczéma chronique : un trouble systémique à part entière

L’eczéma chronique chez l’adulte est souvent l’aboutissement d’un terrain atopique. Le trouble de la barrière cutanée, la sécheresse, et la réactivité excessive aux allergènes jouent un rôle majeur.

 

La prise en charge ne peut se limiter aux corticoïdes topiques : éducation du patient, émollients quotidiens, éviction des facteurs déclenchants sont nécessaires.

Cas cliniques

Cas 1 : homme de 32 ans, plaques squameuses frontales

  • Squames grasses autour du nez et des sourcils,

  • Prurit léger, récidives hivernales.

Diagnostic : dermatite séborrhéique

 

Traitement : shampoing antifongique, kétoconazole crème, suivi à 1 mois.

Cas 2 : femme de 45 ans, prurit intense des paupières

  • Lésions squameuses des paupières, prurit nocturne, peau sèche.

  • Antécédents d’asthme dans l’enfance.

Diagnostic : eczéma chronique des paupières

 

Traitement : dermocorticoïdes, émollients, éviction maquillage irritant.

Éviter les pièges thérapeutiques

Ne pas reconnaître une dermatite séborrhéique entraîne souvent une prescription prolongée de corticoïdes, aggravant les symptômes (rebond, dermite cortico-induite).

 

À l’inverse, traiter un eczéma avec antifongiques uniquement peut retarder la rémission et favoriser la chronification.

 

🎓 Un bon diagnostic, c’est un traitement ciblé, efficace, sans risque iatrogène.

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