Bronchiolite : les recommandations actuelles de la HAS pour les pédiatres ?

Par Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

7 min

Faut-il prescrire un traitement à un nourrisson atteint de bronchiolite ? Et quand orienter vers l’hôpital ? Face à un premier épisode respiratoire aigu chez un nourrisson, les décisions ne sont pas toujours simples. Les parents s’attendent souvent à un traitement, les urgences sont saturées, et les pratiques peuvent varier d’un cabinet à l’autre.

 

Pendant longtemps, les recommandations ont été floues ou trop théoriques. Résultat : prescriptions inadaptées, recours injustifiés à la kiné respiratoire ou au salbutamol, et un accompagnement parental hétérogène.

 

Depuis la publication des nouvelles recommandations HAS actualisées entre 2019 et 2025, les repères sont clairs : diagnostic clinique, évaluation de la gravité, non-prescription médicamenteuse et prévention par anticorps monoclonaux. Voici ce qu’il faut retenir, concrètement, en tant que pédiatre.

Identifier le bon contexte clinique : le premier épisode aigu

La bronchiolite aiguë est définie comme un premier épisode de gêne respiratoire basse chez un nourrisson de moins de 12 mois, en contexte viral et saisonnier. Il s’agit d’une atteinte des petites voies aériennes, provoquant une obstruction transitoire (œdème, mucus, inflammation).

 

Ce point est essentiel : si l’enfant a déjà présenté d’autres épisodes similaires, ou s’il a plus d’un an, le diagnostic de bronchiolite devient moins probable et l’orientation vers un asthme du nourrisson ou une autre pathologie doit être envisagée.

 

Le diagnostic est cliniquement posé, sans besoin d’imagerie ni de test virologique en première intention.

Évaluer la gravité selon trois niveaux cliniques

La HAS distingue trois niveaux de gravité, permettant d’adapter la prise en charge :

Bronchiolite légère

  • État général conservé
  • Alimentation satisfaisante (> 50 %)
  • SpO2 > 95 %
  • Pas ou peu de signes de lutte


→ Suivi ambulatoire avec surveillance parentale, informations précises, et contact facilité

Bronchiolite modérée 

  • Gêne respiratoire plus marquée
  • Signes de lutte visibles
  • Alimentation réduite mais possible
  • SpO2 entre 92–95 %


→ Nécessite surveillance rapprochée, réévaluation à 24–48h, voire orientation si aggravation

Bronchiolite sévère

  • SpO2 < 92 % ou cyanose
  • Tirage important
  • Refus alimentaire
  • Altération de la vigilance


→ Hospitalisation systématique, voire passage en soins intensifs selon critères associés

Le recours à un score de gravité clinique type Wang est encouragé pour objectiver l’évaluation.

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Ne pas prescrire de traitements médicamenteux

La prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson repose sur une observation clinique rigoureuse, mais aussi sur une sobriété thérapeutique. Depuis plusieurs années, les études et les recommandations successives (HAS, CNPP, sociétés savantes de pédiatrie) ont permis de clarifier un point fondamental : aucun traitement médicamenteux ne modifie l’évolution naturelle de la bronchiolite.

 

Voici les principaux médicaments à proscrire, avec les arguments cliniques et scientifiques associés.

Bronchodilatateurs (salbutamol, adrénaline, terbutaline)

Pendant des années, les bronchodilatateurs ont été largement utilisés face à des sibilances ou une gêne respiratoire. Or, les données scientifiques sont formelles : ils n’apportent aucun bénéfice chez les nourrissons présentant une bronchiolite aiguë.

 

  • Aucune réduction de la durée des symptômes
  • Pas d’effet sur le taux d’hospitalisation
  • Risque de faux soulagement transitoire, qui retarde parfois une orientation utile
  • Potentiels effets secondaires : tachycardie, agitation, déshydratation

Bon à savoir

La HAS déconseille leur usage systématique. Seules des situations très spécifiques peuvent justifier un test thérapeutique, sous surveillance stricte.

Corticostéroïdes (oraux ou inhalés)

Aucun bénéfice n’a été démontré pour les corticoïdes dans le traitement de la bronchiolite :

 

  • Ils ne réduisent ni la durée des symptômes, 
  • Ni le risque de récidive, 
  • Ni les hospitalisations.


Leur prescription expose à des risques d’immunosuppression locale ou systémique, et crée de fausses attentes chez les parents (“cela va calmer l’inflammation”).

 

Ils sont donc formellement contre-indiqués en phase aiguë de bronchiolite.

Sérum salé hypertonique (3%)

Utilisé par le passé en nébulisation, le sérum salé hypertonique a été évalué dans de nombreux essais cliniques : les résultats sont insuffisants pour le recommander.

 

  • Aucune efficacité prouvée sur les scores cliniques
  • Risque d’irritation bronchique ou de majoration de la toux
  • Supplanté par les lavages doux au sérum physiologique standard

Antibiotiques

La bronchiolite étant une infection virale, les antibiotiques n’ont aucune indication en première intention.

 

Ils ne doivent être utilisés que si :

 

  • Il existe une suspicion claire de surinfection bactérienne (otite purulente, foyer pulmonaire à l’auscultation, fièvre persistante avec syndrome inflammatoire biologique),
  • Le nourrisson est immunodéprimé ou à haut risque infectieux.


En dehors de ces cas, les antibiotiques augmentent l’antibiorésistance, perturbent le microbiote et renforcent la médicalisation inutile.

Antitussifs, mucolytiques et expectorants

Ces médicaments sont non seulement inefficaces, mais potentiellement dangereux chez le nourrisson :

 

  • Les antitussifs inhibent un réflexe de défense essentiel
  • Les mucolytiques peuvent majorer l’encombrement bronchique
  • Aucun effet positif n’a été démontré sur l’évolution de la bronchiolite

Bon à savoir

Recommandation HAS : contre-indiqués chez les enfants de moins de 2 ans.

Kinésithérapie respiratoire conventionnelle

Autrefois courante, la kiné respiratoire est désormais non recommandée dans la phase aiguë :

 

  • Risque d’aggravation de la détresse respiratoire
  • Augmentation des pleurs, fatigue, gêne
  • Pas d’amélioration documentée sur l’évolution


La kiné peut avoir un intérêt en post-bronchiolite, dans le cadre de sécrétions résiduelles ou de pathologies sous-jacentes, mais jamais en première intention.

Résumé des traitements à éviter

Traitements à éviter bronchiolite

Pourquoi ces prescriptions persistent-elles ?

Malgré les recommandations, certaines pratiques perdurent. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer :

 

  • Attentes parentales fortes : la prescription est perçue comme un acte rassurant
  • Réflexes cliniques anciens : pratiques acquises en internat ou par mimétisme
  • Volonté de “faire quelque chose” face à une détresse ressentie
  • Confusion entre bronchiolite et asthme du nourrisson


C’est pourquoi la formation continue Bronchiolite du nourrisson reste un levier indispensable pour :

 

  • Aligner les prescriptions avec les données probantes
  • Réduire la variabilité des pratiques
  • Renforcer le discours médical auprès des familles
  • Mieux différencier les pathologies obstructives du nourrisson

Mettre en place des soins non médicamenteux adaptés

Les seuls gestes recommandés sont :

 

  • Désobstruction nasale douce avec sérum physiologique (sans aspiration systématique)
  • Fractionnement de l’alimentation si besoin
  • Maintien de l’allaitement maternel
  • Surveillance régulière de l’état général


En parallèle, un accompagnement parental est essentiel :

 

  • Revoir les signes d’aggravation à surveiller
  • Prévoir une consultation de réévaluation si doute
  • Éviter la collectivité si nourrisson fragile ou prématuré


L’enfant doit rester allongé sur le dos, dans une chambre aérée (~19 °C), sans exposition au tabac.

Prévention 2024–2025 : un tournant majeur avec la prophylaxie

Les nouvelles mesures de prévention du VRS ont modifié en profondeur la stratégie pédiatrique :

Anticorps monoclonal nirsevimab (Beyfortus®)

  • Injection unique en début de saison
  • Pour tous les nourrissons à risque élevé (prématurité, comorbidités respiratoires)
  • Réduction significative des hospitalisations liées à la bronchiolite


Vaccination maternelle (Abrysvo®)

  • Recommandée en fin de grossesse (32–36 SA)
  • Protège le nourrisson dans les premières semaines de vie
  • Efficacité prouvée sur la réduction des formes graves

Bon à savoir

💡 Ces deux approches sont complémentaires, et intègrent la stratégie nationale de prévention 2024–2025. Le pédiatre a ici un rôle de repérage des profils éligibles et de conseil parental.

Ce qu’il faut retenir pour le pédiatre en 2025

  • La bronchiolite est une pathologie virale aiguë, fréquente, mais généralement bénigne
  • L’évaluation clinique structurée (gravité, score) guide la décision
  • Il faut éviter toute prescription médicamenteuse inutile
  • La prise en charge repose sur les soins de confort et la surveillance rapprochée
  • De nouvelles armes préventives (nirsevimab, vaccin maternel) changent la donne
  • L’accompagnement des familles est central pour limiter les passages aux urgences

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Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

Comment savoir si un nourrisson atteint de bronchiolite peut rester à domicile ou doit être hospitalisé ? C’est une question fréquente — et complexe — que se posent les pédiatres, notamment en période épidémique. Entre le nourrisson qui siffle modérément et celui dont la saturation baisse, la décision clinique repose sur de multiples éléments.

 

Mais en consultation, tout va vite. Et sans outil structurant, l’évaluation peut manquer d’objectivité, ou varier d’un praticien à l’autre. Cela rend la prise en charge incertaine… et la communication difficile, que ce soit avec les parents ou entre professionnels.

 

Le score de gravité de Wang, intégré dans la formation Walter Sanré sur la bronchiolite du nourrisson, offre un cadre simple, clinique, reproductible. Il aide à prendre la bonne décision au bon moment, sans céder à l’intuition seule.

Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

Comment savoir si un nourrisson atteint de bronchiolite doit être hospitalisé ? Chaque hiver, les soignants sont confrontés à ce dilemme, parfois plusieurs fois par jour. La bronchiolite aiguë du nourrisson, bien que le plus souvent bénigne, peut évoluer vers une forme sévère, notamment chez les plus jeunes ou les enfants fragiles. 

 

Mal évaluée, elle peut conduire à une hospitalisation évitable ou, à l’inverse, à une prise en charge trop tardive avec des complications respiratoires graves. Dans un contexte de tension sur les capacités hospitalières, et face à des parents souvent inquiets, la décision d’orientation repose entièrement sur l’expertise clinique du professionnel. Encore faut-il disposer de repères clairs pour trancher. Quels sont les signes qui doivent alerter ? À quel moment faut-il hospitaliser, et quand peut-on maintenir l’enfant à domicile en toute sécurité ? 

 

Cet article vous apporte les clés pour reconnaître les signes cliniques qui justifient une hospitalisation, en cohérence avec les recommandations de la HAS et les enseignements tirés de la pratique de terrain.

Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

Un nourrisson de 6 mois tousse, siffle et respire vite. Bronchiolite, bronchite ou asthme du nourrisson ? Pour le pédiatre, poser le bon diagnostic en consultation n’est pas toujours évident. Les symptômes se chevauchent : sibilances, toux, encombrement… et les parents parlent souvent d’“asthme” dès le premier épisode.

 

Ce flou peut entraîner des erreurs de prise en charge : prescription inadaptée, recours inutile aux bronchodilatateurs, ou retard d’orientation.

 

Et pourtant, la bonne distinction est essentielle, tant pour le suivi que pour l’accompagnement parental.
Dans cet article, nous vous donnons les repères cliniques clés pour bien différencier bronchiolite, asthme du nourrisson et bronchite aiguë. Des critères simples, fondés sur la clinique, pour fiabiliser vos décisions.

Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

Faut-il prescrire un traitement à un nourrisson atteint de bronchiolite ? Et quand orienter vers l’hôpital ? Face à un premier épisode respiratoire aigu chez un nourrisson, les décisions ne sont pas toujours simples. Les parents s’attendent souvent à un traitement, les urgences sont saturées, et les pratiques peuvent varier d’un cabinet à l’autre.

 

Pendant longtemps, les recommandations ont été floues ou trop théoriques. Résultat : prescriptions inadaptées, recours injustifiés à la kiné respiratoire ou au salbutamol, et un accompagnement parental hétérogène.

 

Depuis la publication des nouvelles recommandations HAS actualisées entre 2019 et 2025, les repères sont clairs : diagnostic clinique, évaluation de la gravité, non-prescription médicamenteuse et prévention par anticorps monoclonaux. Voici ce qu’il faut retenir, concrètement, en tant que pédiatre.

Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

Comment réduire concrètement les hospitalisations pour bronchiolite du nourrisson cet hiver ? Face à la recrudescence des cas graves liés au virus respiratoire syncytial (VRS), les pédiatres sont souvent seuls pour décider, informer, et agir vite. Entre les nouveaux outils de prévention, les protocoles à jour et les attentes des familles, l'équilibre est complexe.

 

Parmi les innovations majeures, le nirsevimab (Beyfortus®) constitue une avancée décisive : un anticorps monoclonal administré en une dose unique pour protéger les plus vulnérables. Encore faut-il bien comprendre à qui il s’adresse, à quel moment l’injecter et dans quelles conditions. Cet article synthétise les recommandations officielles 2025 et les bonnes pratiques de prescription pour les pédiatres.