Nature, composition et propriétés des ciments verres ionomères

Par Alphonse Doutriaux

26 décembre 2022

7 min

Parmi les familles de matériaux, les ciments verres ionomères forment la première d’entre elles. Cette famille ancienne et originale a beaucoup évolué. La dernière des évolutions en date est celle des ciments verres ionomères haute viscosité (CVIHG). De même que sur le sujet des clés en silicone, de la sur-occlusion et sous-occlusion dentaire, suivre une formation en odontologie représente un intérêt majeur pour les chirurgiens-dentistes.

Les ciments verres ionomères : définition

Les ciments verres ionomères sont définis comme des ciments à réaction acide-base : une poudre de particules de fluoro-aluminosilicate est mélangée avec une base hydrique et des polyacides. Ce mélange produit un gel qui durcit sous la forme d’un ciment verre ionomère. Ce sont des ciments polyalkenoate. 

 

Certains verres ionomères diffèrent au sens où ils ont été modifiés par adjonction de résine. Ces derniers se nomment les CVIMAR. Ils ont longtemps représenté un espoir important, espoir qui ne s’est finalement pas avéré aussi fondé qu’il avait pu l’être. Ces matériaux demeurent, bien sûr, utilisables pour faire de petites obturations. Certains praticiens les utilisent encore aujourd’hui en clinique.

Nature des ciments verres ionomères

Développés lors des campagnes de l’OMS, les ciments verres ionomères dentaires ont représenté un matériau passe-partout utilisable avec peu d’instruments et plus facilement que le couple adhésif / composite. Ils ont également été utiles pour les « ART » (traumatic restaurativ treatments »), mode d’obturation adopté lors de ces campagnes de soin de l’OMS dans des contextes de soins où il n’y avait pas d’électricité. 

L’intérêt des CVI réside principalement dans le fait qu’en étant placés sur la dent, ils permettent d’inhiber le développement de la carie sans nécessiter un nettoyage complet ou un développement, tout en permettant au patient de mastiquer sur la dent. C’était donc un matériau relativement extraordinaire. Les ciments verres ionomères dentaires, c’est-à-dire les ciments verres ionomères purs sans adjonction de résine, sont les plus intéressants parce que leurs propriétés mécaniques ont été extrêmement améliorées sans diminuer leur intérêt, c’est-à-dire son aspect anti-cariogène. Le chirurgien-dentiste pourra, par exemple, utiliser les ciments verres ionomères Fuji.

Composition des ciments verres ionomères

L’amélioration des CVI en vue de leur adaptation à la dentisterie moderne a produit les CVI haute viscosité. La composition des verres ionomères est, en effet, faite d’acide polycarboxylique. Cet acide réagit sur des particules d’alumine, de silice et de fluor pour former un poly-gèle de calcium et d’aluminium qui emprisonne les particules et donne de la résistance.

 

Par leur composition, les ciments verres ionomères haute viscosité ont permis d’accélérer le temps de prise du ciment qui, auparavant, était très lente. Cette prise accélérée s’explique en particulier parce que les particules de charge sont sélectionnées en différentes tailles de façon à optimiser le mélange et réduire les espaces vides. Elles ont, de plus, reçu des traitements de surface qui les rendent beaucoup plus réactives. Ils permettent donc une manipulation facilitée, une esthétique améliorée et une meilleure résistance à la flexion à la compression voire à l’usure par l’érosion.

Propriétés des ciments verres ionomères

L’utilisation des ciments verres ionomères pour dentiste est particulièrement intéressante en raison de leurs propriétés. Recevoir une formation en odontologie sur leurs propriétés peut s’avérer nécessaire au chirurgien-dentiste.

Les propriétés d’auto-adhésion des CVI

Contrairement au composite auquel doit toujours être adjoint un adhésif, le CVI a des propriétés d’auto-adhésion. Ce matériau présente, en effet, une adhésion naturelle, d’une part, à la phase minérale de l’émail, par inter-diffusion ionique de phosphate de calcium, et, d’autre part, une adhésion micromécanique. Le CVI est également composé d’acide polyacrylique au niveau de sa face. Cela lui donne un effet de mordançage, qui, est, au demeurant très léger.


Cette composition provoque ainsi une très faible déminéralisation de surface et les ions calcium et phosphates migrent dans cette zone d’interface faiblement minéralisée. Cela permet d’obtenir cette adhésion. Cette adhésion est importante, même si elle reste inférieure à celle obtenue avec les polymères. Les CVI offrent, en outre, une très bonne étanchéité. Cette interface est, en effet, chimiquement stable et importante. Cette étanchéité de bonne qualité permet de compenser le léger déficit d’adhésion. Cette bonne étanchéité explique le très faible taux d’infiltrations carieuses sous les CVI correctement utilisés.


L’utilisation des ciments verres ionomères en premier intention dans le cadre des lésions carieuses profondes ou en interception chez tous les patients à risque élevé de carie, ou, encore, pour lesquelles des techniques sophistiquées ne peuvent pas être mises en œuvre rapidement et efficacement est donc possible. Dans ce dernier cas, il est plus indiqué de faire une bonne obturation d’usage plus simple et moins esthétique qui protège les dents. Ce premier standard de restauration est donc intéressant à ce titre.

Les propriétés biologiques des CVI

Un autre intérêt majeur du CVI est représenté par leurs propriétés biologiques. Ces derniers ont une excellente biocompatibilité et également une certaine bio-activité. Cette bonne biocompatibilité s’explique par l’absence de résine. Ce sont, en effet, des ciments à prise aqueuse. Elle entraîne des effets anti-cariogènes et une très bonne tolérance à l’humidité dans la cavité buccale. En outre, aucun effet toxique potentiel ne se produit ni sur la pulpe, ni sur l’environnement buccale.

 

De plus, les CVI sont des bioactifs : ils sont constitués de charges fluorines et peuvent donc libérer du fluor in situ. À ce titre, ils sont capables de se recharger à partir du fluor ambiant dans la cavité buccale et de l’incorporer. L’on a donc pu qualifier les CVI de pile à fluor capable, après sa collecte, de le redisperser au contact des tissus dentaires dans le but de les renforcer et plus largement dans l’environnement pour empêcher les récidives. 
Cette affirmation est en partie vraie. Si le matériau se comportait de façon très labile, c’est-à-dire en étant sans arrêt en train de libérer des ions, il ne tiendrait pas mécaniquement en place. C’est donc une réalité mais le terme de pile à fluor est une exagération. 

 

Enfin, en raison de ses propriétés, l’évaluation de la dureté de la dentine donne un meilleur résultat après la mise en place d’une restauration de CVI qu’avec un composite. De même, si l’on place un CVI et un composite dans un milieu agressif, l’émail périphérique autour du CVI est moins déminéralisé que dans le cas du composite.

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