
Quelle échelle utiliser pour évaluer le patient dans le BSI ?
L’évaluation clinique est au cœur du Bilan de Soins Infirmiers (BSI). Pour adapter les soins et justifier les cotations, l’infirmier libéral doit identifier précisément le niveau de dépendance et les risques associés à chaque patient.
Trois outils d’évaluation sont aujourd’hui incontournables dans ce cadre : l’échelle de Braden, l’échelle de Norton et le test MNA (Mini Nutritional Assessment).
Chacun répond à un objectif différent : la prévention des escarres pour les deux premières, et l’évaluation de l’état nutritionnel pour la dernière.
Utilisées conjointement, elles permettent de construire un plan de soins cohérent, de prioriser les interventions et de renforcer la traçabilité dans Ameli Pro.
Qu’est-ce que l’échelle de Braden?
L’échelle de Braden est un outil d’évaluation clinique utilisé par les infirmiers pour mesurer le risque de formation d’escarres (ou plaies de pression) chez les patients alités, dépendants ou à mobilité réduite.
Créée dans les années 1980 par Nancy Braden et Barbara Bergstrom, cette échelle repose sur une approche préventive et factuelle : elle aide à repérer précocement les facteurs de risque cutanés pour adapter les soins et mettre en place des mesures de prévention individualisées.
Objectif de l’échelle de Braden
L’objectif principal de cette échelle est d’anticiper la survenue d’escarres en identifiant les patients à risque. Grâce à une cotation précise, elle permet de :
- quantifier le risque d’escarre selon des critères physiologiques et comportementaux ;
- adapter le plan de soins infirmiers (mobilisation, hygiène, nutrition, hydratation) ;
- documenter la dépendance du patient dans le cadre du BSI (Bilan de Soins Infirmiers) sur Ameli Pro ;
- justifier la cotation NGAP associée à la prise en charge.
Comment utiliser l’échelle de Braden ?
L’échelle de Braden, conçue par Nancy Braden et Barbara Bergstrom, évalue la probabilité qu’un patient développe une plaie de pression ou une escarre. Elle s’appuie sur six critères observables : la perception sensorielle, l’humidité, l’activité, la mobilité, la nutrition et la friction/cisaillement.
Chaque critère est coté de 1 (défavorable) à 4 (favorable), sauf Friction/Cisaillement coté 1–3. Le score total va de 6 à 23.
1) Perception sensorielle
Capacité du patient à percevoir la douleur/pression et à réagir de façon appropriée.
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI (interventions typiques) |
1 | Complètement limitée | Coma, sédation profonde, neuropathie sévère, absence de réaction à la douleur | Repositionnement toutes 2–3 h, matelas à air, surveillance cutanée pluriquotidienne, éducation aidants |
2 | Très limitée | Réagit seulement à la douleur (grimace/agitation), communication difficile | Protection des zones d’appui, coussins talonniers, inspection ciblée des zones à risque |
3 | Légèrement diminuée | Répond aux consignes, signale parfois tardivement l’inconfort | Programme de mobilisation assistée, rappel verbal, hydratation cutanée |
4 | Aucune atteinte | Perception intacte, alerte | Prévention standard, éducation hygiène/peau |
Si le patient ne peut pas exprimer sa douleur (aphasie, démence), s’appuyer sur les signes non verbaux (mimiques, retrait, agitation) et documenter l’observation.
2) Humidité
Degré d’exposition de la peau à l’humidité (sueur, urine, selles).
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI |
1 | Constamment mouillée | Incontinence double non contrôlée, transpiration profuse, suintements | Change très fréquent, soins de barrière cutanée, protection absorbante, plan change/lit |
2 | Souvent humide | Episodes répétés d’incontinence, literie à changer régulièrement | Calendrier mictions, protections adaptées, toilette intime renforcée |
3 | Humidité occasionnelle | Fuites épisodiques, légère sudation | Surveillance biquotidienne, textiles respirants |
4 | Rarement humide | Peau sèche, hygiène facilitée | Prévention standard |
À noter : l’humidité fragilise l’épiderme → majorer la fréquence d’inspection des zones d’appui.
3) Activité
Niveau d’activité et capacité à porter son poids.
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI |
1 | Alité | Confinement au lit | Matelas de prévention, planning de retournements, mobilisation passive |
2 | Confiné au fauteuil | Se lève peu, ne marche pas | Coussin anti-escarre, soulèvements réguliers, transfert sécurisé |
3 | Marche occasionnelle | Courtes distances avec aide | Programme de marche, renforcement équilibre |
4 | Marche fréquente | Autonomie de déplacement | Conseils chaussures/appuis, hygiène de vie |
BSI : plus l’activité est basse, plus le plan de mobilisation doit être précis, tracé et évalué.
4) mobilité
Capacité à changer/contrôler la position du corps.
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI |
1 | Complètement immobile | Aucune auto-mobilité | Repositionnement assisté ≤ 3 h, plans d’appui, drap de glisse |
2 | Très limitée | Petits changements possibles | Aides techniques, éducation aidants, alternance positions |
3 | Légèrement limitée | Petits ajustements fréquents | Rappels, réglage fauteuil/lit, exercices actifs |
4 | Aucune limitation | Se mobilise librement | Prévention standard |
Différence Activité vs Mobilité : un patient peut peu marcher (activité 2) mais bien se réajuster assis (mobilité 3). Coter séparément dans la section mobilité d’Ameli Pro, et justifier en observation.
5) Nutrition
Qualité des apports nutritionnels (repas, protéines, hydratation).
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI |
1 | Très pauvre | < 50 % des repas, refus fréquents, dénutrition | Suivi MNA, enrichissements, boissons hyperprotéinées, coordination diététique/MT |
2 | Probablement inadéquate | 50–75 % des repas, apports protéiques irréguliers | Fractionnement, aide à l’installation, surveillance poids/IMC |
3 | Adéquate | > 50 % des repas, apports corrects | Maintien, hydratation ciblée |
4 | Excellente | Repas complets, protéines régulières, hydratation suffisante | Conseils hygiène de vie |
Lien MNA : si MNA < 17, la sous-nutrition majore fortement le risque d’escarre → intensifier prévention cutanée.
6) Friction et cisaillement
Risque de glissement sur le lit/fauteuil et micro-traumatismes cutanés (cotation 1–3).
Score | Définition opérationnelle | Exemples cliniques | Implications BSI |
1 | Problème présent | Glisse fréquemment, spasticité, besoin d’aide complète pour se hisser | Draps de glisse, protège-talons, relever le buste après translation, 2 soignants pour transfert |
2 | Problème potentiel | Matériel/contresens posent risque, posture souvent perdue | Réglage dossier/jambier, antidérapants, formation aidants |
3 | Aucun problème | Se repositionne seul sans glisser | Rappels simples, ergonomie correcte |
Point clé : éviter l’angle > 30° prolongé au lit qui augmente le cisaillement sacré. Toujours tirer–glisser, jamais pousser.

Lecture du score global & actions types de l'échelle Braden
- 18–23 : prévention standard, éducation, surveillance cutanée routine.
- 13–17 : risque moyen → repositionnements programmés, coussins d’appui, suivi nutrition/hydratation, traçabilité BSI renforcée.
- 12–8 : risque élevé → matelas dynamique/alternatif, inspections pluriquotidiennes, protocole humidité/incontinence, coordination étroite MT/SSIAD.
- < 8 : risque très élevé → prise en charge renforcée et coordination avec le médecin traitant.
Dans le BSI, ce score vient justifier les soins de base liés à l’hygiène, à la mobilisation ou à la nutrition.
L’IDEL peut l’indiquer dans la partie observations d’Ameli Pro, pour soutenir le choix des interventions proposées par l’algorithme.
Traçabilité BSI : utile pour la facturation
- Reporter score + date + interprétation dans les observations Ameli Pro.
- Lier à des interventions concrètes (mobilisation, soins cutanés, appareillages) et à des objectifs mesurables (ex. « Braden 11 → 14 en 4 semaines »).
- Mettre à jour le score lors de tout changement d’état (post-hospitalisation, poussée infectieuse, perte de poids).
Résumé
Critère | Description du niveau le plus faible (1) | Description du niveau le plus favorable (4) |
Perception sensorielle | Aucune réaction à la douleur | Réagit normalement à l’inconfort |
Humidité | Peau constamment humide | Peau sèche, literie changée normalement |
Activité | Alité en permanence | Marchez fréquemment |
Mobilité | Aucune autonomie de mouvement | Se déplace librement |
Nutrition | Très pauvre ou refus d’alimentation | Alimentation complète et équilibrée |
Friction / Cisaillement | Assistance nécessaire, glissements fréquents | Position stable et autonome |
Qu’est-ce que l’échelle de Norton?
L’échelle de Norton est un outil clinique d’évaluation du risque d’escarre développé en 1962 par Doreen Norton, infirmière britannique pionnière en gérontologie.
Simple et rapide à utiliser, elle permet d’estimer la probabilité qu’un patient développe des plaies de pression en fonction de cinq critères clés liés à son état général et à sa mobilité.
Elle s’utilise particulièrement dans :
- les services de soins à domicile,
- les EHPAD,
- les unités de soins prolongés ou palliatifs,
- et de plus en plus dans le cadre du Bilan de Soins Infirmiers (BSI), pour orienter les soins préventifs.
Objectif de l’échelle de Norton
L’objectif est de repérer précocement les patients à risque d’escarres afin d’adapter la prévention :
mobilisation, choix du matériel, surveillance cutanée, soins d’hygiène et nutrition adaptée.
C’est une méthode complémentaire à l’échelle de Braden : plus rapide, mais un peu moins détaillée.
Dans le BSI, elle est souvent utilisée en première intention pour un repérage global, avant d’approfondir avec Braden si besoin.
Comment utiliser l’échelle de Norton ?
L’échelle de Norton est un autre outil d’évaluation du risque d’escarres. Elle est plus rapide que Braden et se concentre sur 5 paramètres notés de 1 à 4, pour un score total de 5 à 20.
Critère | 1 | 2 | 3 | 4 |
Condition physique | Très mauvaise | Mauvaise | Moyenne | Bonne |
État mental | Apathique/comateux | Confus | Apathique | Alerte |
Activité | Alité | Fauteuil | Marche occasionnelle | Marche fréquente |
Mobilité | Immobile | Très limitée | Légèrement limitée | Normale |
Incontinence | Totale | Occasionnelle | Urinaire | Aucune |
Cette échelle est idéale pour le dépistage initial ou lors d’un suivi en cabine. En cas de score bas, il est recommandé de compléter l’évaluation par l’échelle de Braden.
Score global | Interprétation |
≥ 15 | Risque faible |
13–14 | Risque modéré |
9–12 | Risque élevé |
≤ 8 | Risque très élevé |

Découvrez les formations continues Infirmiers DPC & FIF PL en ligne de Walter Santé.
Qu’est-ce que le test MNA ?
Le test MNA, pour Mini Nutritional Assessment, est un outil clinique permettant d’évaluer l’état nutritionnel d’un patient.
Il a été conçu pour dépister la malnutrition ou le risque de dénutrition, en particulier chez les personnes âgées ou dépendantes, mais il peut être utilisé pour tout patient pris en charge dans le cadre du BSI.
Dans la pratique infirmière, il constitue un complément essentiel à l’évaluation alimentaire du BSI, qui fait partie des six soins de base (avec la respiration, l’élimination, l’hygiène, la mobilisation et le traitement). Son objectif est d’aider l’IDEL à identifier précocement un déséquilibre nutritionnel afin d’adapter le plan de soins et de prévenir la sarcopénie, la perte de poids sévère ou les complications métaboliques.
Objectifs du test MNA
Le MNA permet de :
- Dépister les carences nutritionnelles et le risque de dénutrition dès les premiers signes ;
- Évaluer l’état de santé global du patient à travers des indicateurs physiques et psychologiques ;
- Orienter les actions de soins infirmiers : adaptation des apports hydriques et alimentaires, surveillance du poids, coordination avec le médecin ou le diététicien ;
- Justifier la cotation du BSI, en appuyant l’évaluation clinique liée à l’alimentation et à l’hydratation.
Historiquement, le test MNA a été largement utilisé en services de gériatrie et de réanimation, où la sarcopénie (épuisement des réserves musculaires et énergétiques) est fréquente. Il s’impose aujourd’hui comme un outil de référence pour la pratique libérale, car il s’intègre facilement au logiciel Ameli Pro dans la rubrique “alimentation” du BSI.
Déroulement du test MNA
Le test se compose de deux parties successives :
1. Le dépistage (MNA-SF)
Cette première étape rapide permet de repérer les patients à risque. Elle repose sur six questions, notées de 0 à 2 ou 3 points chacune, portant sur :
- la perte d’appétit ou de poids,
- la mobilité,
- le stress ou les maladies récentes,
- les troubles neuropsychologiques (dépression, démence),
- l’indice de masse corporelle (IMC) ou la circonférence du mollet.
➤ Plus le score est bas, plus le risque de dénutrition est élevé.
Score MNA-SF | Interprétation |
12 à 14 | État nutritionnel normal |
8 à 11 | Risque de dénutrition |
0 à 7 | Dénutrition probable |
Si le score est inférieur ou égal à 11, l’évaluation doit être complétée par la deuxième partie du test.
2. L’évaluation globale
Cette partie vise à affiner le diagnostic nutritionnel et à comprendre les causes possibles de la dénutrition. Elle évalue notamment :
- la situation de vie (domicile ou institution),
- la prise de traitements quotidiens,
- la présence d’escarres ou de plaies cutanées,
- la fréquence et la composition des repas (produits laitiers, légumineuses, viande, poisson, fruits et légumes),
- la quantité de liquides ingérés chaque jour,
- le degré d’autonomie pour manger,
- la perception du patient sur sa santé et son alimentation,
- la mesure de la circonférence brachiale et du mollet.
L’infirmier peut s’appuyer sur un assistant de vie ou un proche aidant pour compléter certaines réponses, notamment lorsque le patient présente des troubles cognitifs.
Interprétation du score MNA
À l’issue du test complet, les résultats se lisent sur 30 points :
Score total (sur 30) | Interprétation | Niveau de risque |
24 à 30 | État nutritionnel normal | Aucun |
17 à 23,5 | Risque de malnutrition | Modéré |
< 17 | Malnutrition avérée | Élevé |
Si seule la première partie du MNA est réalisée (score sur 14 points) :
- 12 à 14 : nutrition stable,
- 8 à 11 : risque confirmé,
- 0 à 7 : dénutrition sévère.
En cas de score bas, l’IDEL doit :
- signaler la situation au médecin traitant,
- adapter le plan de soins (fréquence de suivi, surveillance du poids et des apports),
- renforcer l’éducation nutritionnelle du patient et de son entourage.
Intégration du MNA dans le BSI
Dans le Bilan de Soins Infirmiers, le test MNA s’intègre à l’item “alimentation” du plan de soins. Il permet de cocher un diagnostic précis parmi les choix proposés sur Ameli Pro :
- alimentation insuffisante ou inadaptée,
- excès nutritionnel,
- incapacité à s’alimenter ou à s’hydrater,
- troubles de la déglutition ou risque de fausse route.
Le résultat du MNA détermine ensuite le niveau d’intervention à appliquer :
Niveau | Description | Exemple d’intervention |
1 (léger) | Surveillance simple | Encourager la prise alimentaire, suivi hebdomadaire |
2 (moyen) | Aide à la préparation et à la prise des repas | Planification des apports hydriques et nutritionnels |
3 (lourd) | Soins complexes et coordination médicale | Adaptation des textures, enrichissement, suivi diététique |
Le score MNA peut être reporté dans les observations du BSI pour justifier la cotation et la nature de la prise en charge.
À retenir
- Le test MNA est un outil essentiel de dépistage nutritionnel dans le BSI.
- Il doit être réalisé à chaque évaluation initiale et lors de toute modification du poids, de l’appétit ou de l’état général.
- Il contribue à une démarche clinique complète, associant la surveillance alimentaire, la coordination médicale et la prévention des complications liées à la dénutrition.
- En formation BSI, les IDEL apprennent à interpréter le MNA, à l’utiliser dans Ameli Pro et à adapter les soins infirmiers en fonction du score.
Synthèse comparative des trois outils
Échelle | Objectif | Nombre de critères | Score | Risque/État | Utilisation principale |
Braden | Risque d’escarres | 6 | 6–23 | < 13 = risque élevé | Soins cutanés, hygiène, mobilité |
Norton | Risque d’escarres (dépistage rapide) | 5 | 5–20 | < 12 = risque élevé | Évaluation initiale |
MNA | État nutritionnel | 18 | /30 | < 17 = malnutrition | Suivi nutrition, coordination soins |
Bonnes pratiques pour les IDEL
- Associer systématiquement Braden/Norton et MNA dans le BSI pour une évaluation globale.
- Reporter les scores et interprétations dans les observations avec date et signature.
- Réévaluer à chaque changement d’état ou de nutrition.
- Corréler les scores avec les interventions BSI (mobilisation, hygiène, alimentation).
- Former les aidants à la prévention des escarres et au repérage des signes de dénutrition.
Conclusion
Braden, Norton et MNA forment un trio simple à utiliser et déterminant pour sécuriser le BSI. Braden ou Norton objectivent le risque d’escarre, MNA qualifie l’état nutritionnel ; leurs scores guident directement la planification des soins, la prévention cutanée et la coordination médicale. Pour une prise en charge traçable et efficace, évalue systématiquement à l’entrée, consigne les scores datés dans Ameli Pro, corrèle chaque score à des interventions concrètes, puis réévalue à tout changement d’état.

Téléchargez votre guide de l'installation libérale infirmière en PDF

Guide installation libérale infirmière
+ de 3000 téléchargements






