Les bonnes pratiques en ligamentoplastie de la cheville

Par Alphonse Doutriaux

14 mars 2024

7 min

Traiter l’entorse à la cheville est un sujet qui n’est pas si anodin qu’il en a l’air, surtout lorsqu’il est question d’avoir recours à une opération. La prise en charge chirurgicale des instabilités de cheville dépend de l’origine de l’instabilité. Si elle est fonctionnelle, c’est la rééducation qui prime ; si elle est anatomique, le traitement chirurgical est à privilégier. Dans ce cas, il s’agit de procéder à une ligamentoplastie latérale pour laquelle il existe un ensemble de bonnes pratiques pour assurer les meilleurs résultats et une récupération optimale.

Les différents types de ligamentoplasties

L’opération de la cheville instable se nomme ligamentoplastie. L’instabilité mécanique est celle qui nécessite une intervention chirurgicale. Elle est multifactorielle : elle peut provenir de lésions du complexe latéral mais aussi de lésions du complexe médial ou de la syndesmose ou de la sous-talienne.

 

Plus de 50 techniques de ligamentoplastie ont été référencées. Voici les quatre principaux groupes de techniques :

  • la réinsertion anatomique, ou technique de Broström : il s’agit de réinsérer les ligaments des faisceau antérieur et faisceau moyen à l’aide d’ancres ou de tunnels à l’intérieur de l’os ; ensuite il faut attendre la cicatrisation pour démarrer rééducation de la cheville post-ligamentoplastie. En France, une technique équivalente est celle de Duquennoy ;
  • la réinsertion et le renfort avec du périoste ou du ligament frondiforme (technique de Gould). Il peut même y avoir création d’un néo-ligament à partir du frondiforme (technique de Saragaglia). La rééducation de la cheville en kinésithérapie est également nécessaire par la suite ;
  • la reconstruction pour le cas où les ligaments ne sont plus utilisables : avec le périoste ou avec la moitié du court fibulaire (technique de Chrisman Snook et Vidal). L’évolution moderne de cette technique consiste à reconstruire avec un muscle de la cuisse, le gracilis, ou encore pratiquer une allogreffe à partir d’une banque de tissus ;
  • la ténodèse : on va utiliser le ligament court fibulaire à la manière de Castaing Evans ou Watson-Jones pour brider la sous-talienne et la tibio-talienne. 

Ces techniques peuvent se pratiquer à ciel ouvert ou sous arthroscopie. Il existe un bémol pour les versions arthroscopiques : elles ne peuvent pas réparer correctement la stabilité de la sous-talienne. Or dans 65% des cas de lésion du ligament talo-fibulaire antérieur il y a association de lésions de la sous-talienne.

Bon à savoir

Pour chacune de ces techniques de ligamentoplastie de la cheville, il faut étudier les résultats à long terme en termes de stabilité et d’arthrose. Les conséquences post-opératoires de la ligamentoplastie sont cruciales à court, moyen et long termes. L'évaluation de ces techniques doit passer par ces filtres.

Quelles techniques privilégier ?

Pour savoir quelle technique de ligamentoplastie de la cheville privilégier, il s’agit de connaître les bonnes pratiques en la matière. Ces critères sont largement débattus dans la littérature scientifique en la matière. Les cours pour kiné font état en détail de ces points d’attention.

Bon à savoir

Il est conseillé de ne pas procéder à une reconstruction anatomique avec le ligament court fibulaire, même utilisé de façon partielle, afin de préserver ce qui est un éverseur fondamental pour la proprioception.

Quand le ligament talo-fibulaire antérieur est propre à la réinsertion, l’indication de choix est d’utiliser le ligament frondiforme comme moyen de réinsertion. Quand il n’y a plus de ligament, il faut prélever du collagène ailleurs, dans le gracilis notamment.

 

Dans tous les cas, il est fortement recommandé de ne plus utiliser le ligament court fibulaire latéral car c’est celui qui conduit aux plus mauvais résultats. Il est source de raideur de la sous talienne et in fine, d’arthrose. De plus, ce ligament est un élément très important dans la stabilité dynamique, il ne faut pas l’affaiblir en y prélevant un morceau.

Pour résumer

En conclusion, dans la majorité des cas, c’est-à-dire que les ligaments du patient sont propres à la réinsertion, il faut utiliser la technique de Gould ou celle de Saragaglia. Cependant, de récents travaux ont montré que la méthode de Gould utilise la partie la plus faible du rétinaculum extenseur et ne serait donc pas si bénéfique. Cela n’empêcherait pas la perte de proprioception de la subtalaire. C’est pourquoi la méthode de Saragaglia, qui est plus anatomique et crée un véritable néo-ligament, est probablement la méthode de ligamentoplastie à privilégier.

Étapes de la technique Saragaglia-Tourné

La technique de Saragaglia, ou Tourné en France, est utile pour réparer le plan latéral dans plus de 90% des formes. Il s’agit de procéder à la réinsertion du ligament tibio-fibulaire antérieur ou du ligament calcanéo fibulaire. Les formations Cheville à distance approfondissent, y compris en images, cette ligamentoplastie particulière.

  1. Cette technique se fonde sur l’utilisation d’un renfort qui est un lambeau de frondiforme (rétinaculum des extenseurs). Ce lambeau va travailler comme un nouveau ligament, contrairement à la technique de Gould.
  2. La voie chirurgicale est antéro-latérale, curviligne, centrée sur la malléole latérale ; elle passe en pont au-dessus du sinus du tartre et se termine sur le coup de pied.
  3. On commence par créer un lambeau de périoste pour dégager la partie postérieure de la malléole latérale ; ce lambeau va être ré-accroché à la capsule articulaire.
  4. Puis on fait une arthrotomie en L qui va permettre de visualiser le ligament tibio-fibulaire antérieur.
  5. C’est ensuite la phase de réalisation des ancres.
  6. Le geste suivant concerne le rétinaculum des extenseurs : il s’agit de faire attention aux nerfs fibulaires qui sont présents dans la zone. Il faut faire un prélèvement dans la partie qui semble la plus consistante, la plus solide (supérieure ou au milieu). Cela signifie que le chirurgien s’adapte à la forme du frondiforme du patient, contrairement à la technique de Gould.
  7. Une fois ce tissu prélevé, on lui applique un “fiber look”, on le “size” et on adapte la taille du tunnel à la taille de ce lambeau (entre l’ancre supérieure pour le ligament tibio-fibulaire antérieur et l’ancre inférieure pour la 2ème partie du LTFA et le CFL).
  8. Il s’agit ensuite de faire passer le nouveau ligament le plus près de l’os et de tirer sur les fils en mobilisant la cheville.

Illustration extraite de la formation Cheville - Walter Santé

Bon à savoir

Les formations pour kinésithérapeutes expliquent cette ligamentoplastie pour une meilleure prise en charge post-opératoire.

Se former au traitement de la cheville avec Walter Santé

Le traitement de la cheville est complexe. Il est fonction de la nature de l’instabilité, fonctionnelle ou mécanique. Le kinésithérapeute intervient en traitement de première intention dans le premier cas et en rééducation post-opératoire dans le second.

 

Le traitement de cette articulation doit respecter un ensemble de bonnes pratiques, en ligamentoplastie, lors de la cicatrisation puis de la rééducation. Les formations pour masseur-kinésithérapeute comme celle proposée par Walter Santé permettent de clarifier ces sujets techniques et constamment évolutifs. Des chirurgiens et kinésithérapeutes experts en la matière partagent leur large expérience théorique et pratique pour améliorer la prise en charge effectuée par leurs pairs.

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