IVG HAS : recommandations et prise en charge médicamenteuse

Par Thomas Cornet

14 février 2025

10 min

La Haute Autorité de Santé (HAS) fournit un ensemble de recommandations au sujet de l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse. Elle a défini une stratégie médicamenteuse précise ainsi que nombreuses conditions de prise en charge. Enfin, il existe des critères d’évaluation de l’efficacité des IVG médicamenteuses.

Stratégie médicamenteuse recommandée par la HAS

En l’absence de contre-indication médicale, il est à rappeler que les femmes peuvent choisir la méthode de l’IVG jusqu’à 9 SA : IVG médicamenteuse ou chirurgicale. Ainsi, la HAS rappelle que le délai maximal pour une IVG médicamenteuse est 9 SA. La cotation d’une IVG est détaillée pour les professionnels de santé impliqués.

Pour le cas d’une IVG médicamenteuse, il faut se référer à l’autorisation de mise sur le marché de la Mifégyne®. C’est ainsi qu’en France la méthode médicamenteuse repose sur une séquence mifépristone/misoprostol, soit l'association de mifépristone, une antiprogestérone, et du misoprostol, une prostaglandine.

L’IVG médicamenteuse est réalisée en établissement de santé, ou par un médecin ou une sage-femme ayant un contrat avec une structure et une expérience professionnelle adaptée.

Pour les grossesses de moins de 7 SA, l’IVG médicamenteuse par voie orale est associée à des taux de grossesses évolutives de l’ordre de 1 %. Des études plus récentes ont révélé l’efficacité et la sécurité de l’association des deux molécules, avec une dose de mifépristone moindre et le misoprostol par voie transmuqueuse orale ou sublinguale.

Bon à savoir

Voici donc les recommandations en cours pour les séquences de traitement d’IVG médicamenteuse avant 7 SA :

  • une prise de 600 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 h plus tard, de 400 μg de misoprostol par voie orale ;
  • une prise de 200 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 h plus tard, de 400 μg de misoprostol par voie transmuqueuse orale ou sublinguale (hors AMM). Lorsqu'il y a administration par voie transmuqueuse orale (ou voie buccale ou jugale, les comprimés sont placés entre la joue et la gencive et les patientes doivent avaler les fragments résiduels au bout de 30 minutes.

Notons que le géméprost n’est plus recommandé, en raison de ses effets secondaires.

Les recommandations de la HAS au sujet des IVG médicamenteuses entre 7 et 9 SA sont les suivantes : une prise de 200 mg de mifépristone par voie orale suivie, 24 à 48 h plus tard, de 800 μg de misoprostol en une seule prise, par voie transmuqueuse orale ou sublinguale (hors AMM).

Compte tenu de très rares cas de chocs septiques fatals à Clostridium sordellii survenus après utilisation de misoprostol par voie vaginale, il n’est pas recommandé d’utiliser la voie vaginale. De même pour les patientes ayant au moins un facteur de risque cardio-vasculaire (notamment le tabagisme), en raison d’événements cardio-vasculaires rares mais graves.

Conditions de prise en charge de l'IVG médicamenteuse


Voici les modalités de prise en charge de l'IVG médicamenteuse jusqu’à 9 SA

  • établissement de santé autorisé, public ou privé. Sauf cas exceptionnel, les IVG y sont réalisées en ambulatoire ;
  • avec des médecins et sages-femmes justifiant d’une expérience professionnelle adaptée, en cabinet libéral, centre de planification et d’éducation familiale (CPEF) ou centre de santé. La formation à l’IVG médicamenteuse est une condition importante, soit via la formation continue des médecins généralistes, soit par une formation sage-femme à distance par exemple.

Rappel

Ces structures de prise en charge des IVG sont intégrées dans un établissement de soins ayant un service de gynécologie-obstétrique ou de chirurgie, ou en convention avec un établissement disposant d'un plateau technique en cas de complications de l'IVG.

Quant à l’organisation initiale de la prise en charge de l’IVG médicamenteuse, un principe directeur est que toute femme demandant une IVG doit obtenir un rendez-vous de consultation dans les 5 jours suivant son appel. C’est cette rapidité de réaction qui laisse un choix plus large de techniques utilisables. 

L’accès à l’IVG devant être le plus simple et le plus rapide possible, chaque établissement de santé prenant en charge des IVG doit disposer d'une ligne téléphonique dédiée à cette seule activité, connue et largement diffusée.

Les consultations sont réalisées, pour tout ou partie, en présentiel ou en téléconsultation. Pour ce dernier cas de figure, la patiente doit avoir donné son accord et le soignant doit l’avoir jugé possible. Lorsque la totalité de la procédure est faite par téléconsultation, les médicaments sont alors délivrés par la pharmacie d’officine choisie par la patiente.

Il faut débuter la séquence des consultations par une consultation médicale préalable à l’IVG : c’est à ce moment que sont apportées à la patiente des informations claires et précises sur la procédure, sur ce qu’il peut se passer lors de l’expulsion, sur la possibilité de visualiser le sac gestationnel jusqu’à 7 SA, et l’embryon, plus particulièrement entre 7 et 9 SA.

Astuce

 

Voici les informations à fournir à la femme en consultation préalable :

  • des métrorragies apparaissent dans les 3 à 4 heures suivant l’IVG médicamenteuse ; elles ne sont toutefois pas une preuve d’expulsion complète ;
  • des douleurs abdomino-pelviennes induites par les contractions utérines surviennent de façon presque systématique. Leur intensité augmente avec la parité, l’âge gestationnel et les doses de prostaglandines ;
  • malgré l’IVG médicamenteuse, il existe un risque de poursuite de la grossesse, en raison de quoi il s’agit d’insister sur la nécessité du contrôle après 2 semaines ;
  • si le contrôle après 2 semaines révèle la poursuite de la grossesse, il y aura obligation d’avoir recours à la méthode chirurgicale.

Ces informations orales doivent être doublées de documents d'information écrits. La formation des médecins généralistes insiste sur ce point.

Il est recommandé au professionnel de santé de s’assurer de la bonne compréhension du protocole par la femme, notamment mineure. Cette première consultation est aussi l’occasion de rechercher des violences conjugales, selon les recommandations actuelles.

Un entretien d’information, de soutien et d’écoute (entretien psychosocial visant l’identification de difficultés psychosociales) doit pouvoir être proposé systématiquement par le médecin ou la sage-femme. Il est d’ailleurs obligatoire pour les femmes mineures.

Important

Au cours de la deuxième consultation préalable, la femme signe un consentement écrit  à l’IVG, recueilli en présentiel ou envoyé par voie dématérialisée en cas de téléconsultation. Il n’existe plus de délai de réflexion minimal entre la première consultation préalable et la suivante, sauf si la femme a un entretien psychosocial (délai de réflexion de 48 heures avant de remettre son consentement). Il est également recommandé, lors de cette deuxième consultation, de proposer un dépistage des infections sexuellement transmissibles (notamment la chlamydia) et un prélèvement cervico-utérin de dépistage si besoin. Le mode de contraception ultérieure est abordé et éventuellement prescrit dès la visite précédant l'IVG, en tentant de comprendre les raisons de l'échec ou de l’absence de la contraception actuelle.

L’âge gestationnel est donné par l'interrogatoire et l'examen clinique. En secteur hospitalier, une échographie pelvienne est réalisée sur place lors de la consultation. En médecine de ville, une échographie doit être faite rapidement.

Prise en charge à domicile de l'IVG médicamenteuse

La fréquence des complications de l'IVG à domicile (hémorragies sévères) est comparable à celle des IVG réalisées en milieu hospitalier. C’est pourquoi mifépristone et misoprostol peuvent être pris à domicile dans le respect du protocole, à un moment adapté à l’emploi du temps de la femme, non pas nécessairement devant le professionnel de santé.

La HAS a émis des recommendations quant au déroulement de l’IVG médicamenteuse.

Rappel

L’administration de misoprostol à domicile nécessite toutefois certaines précautions, qui sont rappellées dans les formations sur l’IVG :

  • évaluer la possibilité pour la femme de gagner ou de joindre rapidement 24h/24 un établissement de santé qui puisse prendre en charge les complications de l’IVG ; en cas d’isolement, géographique ou social, on estime que les conditions de sécurité ne sont pas réunies et qu’il faut privilégier l’hospitalisation ;
  • délivrer toutes les informations sur la conduite à tenir en cas de survenue d'effets indésirables, tels que les hémorragies et la douleur, avec un support écrit comportant les références de l'établissement à consulter ;
  • remettre à la patiente une fiche de liaison 6 contenant les éléments essentiels de son dossier médical, destinée au médecin de l'établissement médical ;
  • prendre en charge la douleur de manière anticipée, par une prescription systéma- tique d'antalgiques de palier 1 (ibuprofène à dose antalgique) et palier 2 (paracétamol associé à l'opium ; codéine) ;
  • recommander à la femme de ne pas être seule à son domicile lors de l'expulsion ;
  • rappeler la nécessité de la visite de suivi pour vérifier la vacuité utérine, 14 à 21 jours après l'IVG ; la HAS recommande sérieusement une consultation post IVG ;
  • prévenir l’iso-immunisation rhésus chez les femmes rhésus négatif par une injection de 200 μg d’immunoglobulines anti-D par voie intraveineuse ou intramusculaire au plus tard dans les 72 heures qui suivent les saignements.

Si la contraception future est hormonale, elle est débutée le jour de la prise de prostaglandine ou au plus tard dans les 48 heures qui suivent.

Critères d'évaluation de l'efficacité de la méthode d'IVG

Il arrive que la méthode médicamenteuse de l’IVG soit en échec, parce que la grossesse continue d’évoluer, ou la grossesse est arrêtée mais insuffisamment expulsée, ou encore la survenue d’une hémorragie.

Bon à savoir

L’efficacité de la méthode médicamenteuse s’évalue selon deux critères :

  • l’obtention d’un avortement complet sans nécessité d’intervention chirurgicale ;
  • inversement, le taux de grossesses évolutives ou persistantes.

 On obtient un fine un taux de succès, qui dépend de la technique de contrôle de l’efficacité (examen clinique avec dosage de β-hCG plasmatique ou échographie pelvienne) et de l’expérience des médecins et des sages-femmes, particulièrement en matière d’interprétation d’images échographiques post-IVG. Ce sujet est abordé en formation IVG.

Téléchargez le programme de la formation IVG médicamenteuse en PDF

 

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