Une perte de connaissance peut-elle être vitale ?
En tant que neurologue, vous êtes souvent consulté pour explorer une perte de connaissance transitoire. Le patient évoque un « malaise », une « chute » ou un « trou noir », et le doute s’installe. Est-ce une épilepsie ? Une hypotension orthostatique ? Une syncope réflexe ?
Dans certains cas, ce n’est ni l’un ni l’autre : il s’agit d’une syncope cardiaque. Si elle est moins fréquente que les autres (environ 15 % des syncopes), elle est potentiellement mortelle. L’enjeu n’est plus seulement de rassurer le patient, mais de l’orienter rapidement vers les examens appropriés. Une syncope d’origine cardiaque peut précéder une mort subite. Il est donc crucial de savoir reconnaître les signes d’alerte, même en consultation neurologique.
Comprendre la syncope cardiaque : mécanisme et enjeux
La syncope cardiaque survient lorsqu’un obstacle brutal et réversible vient perturber le débit cardiaque. Contrairement à l’insuffisance cardiaque chronique, ici la baisse de débit est aiguë, brutale, et souvent transitoire. Le cerveau n’est plus correctement perfusé, entraînant une perte de connaissance immédiate, souvent sans prodromes.
C’est cette perte soudaine et imprévisible qui fait toute la dangerosité de la syncope cardiaque.
On distingue deux grands mécanismes :
- Obstruction mécanique à l’éjection du sang : rétrécissement aortique serré, myocardiopathie obstructive.
- Trouble du rythme cardiaque : bradycardie sévère, tachycardie ventriculaire, bloc auriculo-ventriculaire.
Quand suspecter une syncope cardiaque ?
Plusieurs critères d’alerte clinique doivent faire suspecter une origine cardiaque, même en l’absence d’antécédents :
- Survenue à l’effort : typique du rétrécissement aortique chez le sujet âgé. Le patient s’effondre en marchant ou en courant.
- Perte de connaissance sans prodrome : brutale, sans signe avant-coureur.
- Palpitations précédant la syncope : orientent vers un trouble du rythme.
- Antécédents familiaux de mort subite : pathologies héréditaires à risque (QT long, syndrome de Brugada…).
- Terrain cardiopathique connu : infarctus, cardiomyopathie dilatée, traitement antiarythmique.
La syncope d’origine cardiaque est souvent “pauvre en symptômes mais riche en conséquences”.

Affiner le diagnostic étiologique, évaluer le risque, adapter la prise en charge et accompagner le patient sur le long terme.
Cas typique à connaître
Cas clinique : un homme de 72 ans chute brutalement dans la rue après avoir couru pour attraper un bus. Il est retrouvé inconscient, mais récupère rapidement. Il n’a aucun souvenir de l’épisode. Pas de prodrome. Il a un souffle systolique connu, mais aucun bilan récent.
👉 Ce tableau correspond classiquement à une syncope d’effort sur rétrécissement aortique.
En tant que neurologue, votre rôle est de reconnaître cette situation à haut risque vital immédiat et de référer en cardiologie sans délai.
Différencier la syncope cardiaque des autres étiologies
Voici un tableau comparatif rapide, utile à intégrer dans votre raisonnement :
Critère | Syncope réflexe | Syncope orthostatique | Syncope cardiaque |
Déclenchement | Douleur, stress, station debout | Changement de position | À l’effort ou au repos |
Prodromes | Oui (nausée, flou visuel) | Parfois | Généralement non |
Durée | Brève, récupération rapide | Brève | Très brève, risque de traumatisme |
Risque vital | Faible | Modéré | Élevé |
Quelle démarche adopter en tant que neurologue ?
Si la suspicion de syncope cardiaque est posée, même de manière modérée, vous devez :
- Arrêter tout bilan neurologique en cours si non prioritaire
- Prescrire sans délai :
- ECG
- Échographie cardiaque
- Holter ECG
- ± test d’effort (si symptomatologie à l’effort)
- Orienter vers un cardiologue ou les urgences en cas de risque immédiat
La rapidité de votre action peut littéralement sauver la vie du patient.
Le piège à éviter : banaliser une syncope chez un sujet cardiaque
Il ne faut pas confondre un malaise vagal chez un sujet stressé avec une syncope cardiaque chez un patient avec une cardiopathie sous-jacente. Une personne avec une fraction d’éjection diminuée, même stabilisée, ne doit jamais être banalisée si elle présente une perte de connaissance.
L’absence de prodrome, la survenue en position couchée, ou les antécédents cardiaques sont des red flags absolus.
Ce que vous devez toujours consigner
Pour sécuriser la suite du parcours de soin, veillez à consigner dans votre compte rendu :
- L’hypothèse de syncope cardiaque suspectée
- Les critères cliniques d’alerte retrouvés
- L’absence de signe neurologique associé
- La nécessité d’un avis cardiologique rapide
Ce que dit la recommandation ESC
Selon les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (ESC), toute syncope à l’effort ou sans prodrome chez un sujet âgé, même en l'absence d'antécédents cardiaques formels, doit être considérée comme cardiaque jusqu’à preuve du contraire.
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