Anatomie mandibulaire : rappels clés en implantologie

Par Alphonse Doutriaux

4 juillet 2025

6 min

En tant que chirurgien-dentiste, vous savez que la réussite d’une implantation mandibulaire dépend directement de votre compréhension des rapports anatomiques et des contraintes biomécaniques. Une erreur de quelques millimètres peut engager le pronostic fonctionnel et causer des complications graves. Cet article exhaustif reprend tous les rappels anatomiques et biomécaniques issus de la formation Walter Learning pour sécuriser vos pratiques implantaires.

Le nerf mandibulaire : un carrefour essentiel

Le nerf mandibulaire (V3), branche du trijumeau, est exclusivement sensitif dans la zone mandibulaire. Deux de ses branches sont incontournables en implantologie :

 

  • Le nerf alvéolaire inférieur, qui pénètre la mandibule par le foramen mandibulaire et chemine dans le canal mandibulaire jusqu’au foramen mentonnier, assurant l’innervation des dents mandibulaires, des gencives vestibulaires et de la lèvre inférieure.
  • Le nerf lingual, qui longe le versant lingual de la mandibule et innerve une grande partie de la langue.

 


Une atteinte du nerf lingual peut survenir lors de prélèvements osseux ou d’extensions excessives de lambeaux ; elle entraîne une anesthésie ou paresthésie de la langue.

Canal mandibulaire et foramen mentonnier : variations et risques

Le canal mandibulaire n’est pas linéaire et peut présenter une crosse terminale dans sa portion antérieure, remontant vers la crête alvéolaire. Cette crosse expose à des blessures même lorsque l’implant paraît positionné à distance du canal.

 

Le foramen mentonnier, point d’émergence du nerf alvéolaire inférieur devenu nerf mentonnier, est en général situé entre la première et la deuxième prémolaire, mais peut varier considérablement :

 

  • Plus antérieur (jusqu’au secteur incisif)
  • Plus postérieur (jusqu’au secteur molaire)
  • Présence de foramens accessoires avec des nerfs mentonniers supplémentaires.


Seule une analyse tridimensionnelle (CBCT) permet de localiser précisément le foramen et d’adapter le plan implantaire.

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Nerf lingual et plancher buccal : décollements maîtrisés

Le nerf lingual est proche de la surface sur le versant lingual, croisant le canal submandibulaire et le muscle mylohyoïdien. Tout décollement doit être superpériosté, limité et précis : un dérapage peut léser le nerf lingual, provoquant une perte de sensibilité linguale et des troubles de la phonation.

 

La proximité du nerf lingual avec le canal de Wharton (canal submandibulaire) expose également à des complications salivaires, comme des sténoses ou hernies salivaires après œdème ou hématome.

Vascularisation : artères et risques hémorragiques

La vascularisation mandibulaire provient des branches de la carotide externe :

 

  • L’artère faciale, qui croise le rebord mandibulaire. Elle peut être blessée lors de prélèvements symphysaires, provoquant hématomes et saignements massifs.
  • L’artère linguale, plongeant sur le versant interne de la mandibule. Toute atteinte peut entraîner des œdèmes compressifs dangereux pour les voies respiratoires.
  • L’artère maxillaire, située en profondeur au niveau du ramus : principalement en danger lors de prélèvements osseux au niveau de la branche montante.
  • Le drainage veineux, assuré par la veine jugulaire interne, suit le même trajet que les artères, et expose aux hématomes étendus en cas de blessure.

 

Anatomie du sinus maxillaire : éviter les perforations

Le sinus maxillaire peut s’étendre très en avant en cas d’édentement ancien, réduisant la hauteur osseuse pour l’implantation. Une planification sans CBCT risque de placer l’implant dans le sinus, provoquant infections ou échecs précoces.

 

Le sinus maxillaire peut contenir des septa (cloisons osseuses internes) rendant le sinus lift difficile, avec risque de déchirure de la membrane sinusienne. Bien que la perforation ne condamne pas toujours la greffe, elle augmente les complications.

Anatomie du palais : risques lors des prélèvements

Le palais recèle des structures vasculo-nerveuses sensibles :

 

  • Le canal incisif contient le nerf et l’artère naso-palatins : blessure possible lors d’abords médians.
  • Le pédicule grand palatin, sortant du foramen grand palatin, irrigue la voûte palatine : une atteinte lors de prélèvements muqueux peut provoquer un saignement massif ou une paresthésie durable.

Anatomie des glandes salivaires : attention aux dérapages

La glande submandibulaire croise le nerf lingual et le canal de Wharton : les décollements en zone linguale basse peuvent provoquer hématomes, infections ou rétention salivaire.

 

La glande parotide, elle, est traversée par le nerf facial (VII), dont les branches buccales sont vulnérables lors de prélèvements en zone rétro-molaire ou ramique. Une atteinte peut entraîner une parésie faciale, heureusement transitoire mais impressionnante pour le patient.

Biomécanique osseuse : comprendre la stabilité primaire et secondaire

L’os alvéolaire est un tissu plastique en équilibre constant entre résorption et formation. Sa qualité conditionne la stabilité primaire, qui dépend du contact initial entre l’implant et l’os :

 

  • Os type D1/D2 : cortex épais, stabilité primaire élevée.
  • Os type D3/D4 : cortex fin, densité faible, stabilité primaire moindre.


La stabilité secondaire repose sur l’ostéointégration : le remodelage osseux autour de l’implant, favorisé par la stimulation mécanique (mise en charge précoce ou immédiate si conditions favorables).

Classifications : Cawood et Lekholm & Zarb

La classification de Cawood décrit 6 stades d’édentement : du stade 1 (dentition présente) au stade 6 (os basal seul persistant). Plus le stade est avancé, plus la greffe osseuse est nécessaire.

 

  • La classification de Lekholm & Zarb évalue la densité osseuse, essentielle pour planifier la mise en charge et le protocole chirurgical :

 

  • Type 1 : corticale épaisse.
  • Type 2 : bonne proportion corticale/trabéculaire.
  • Type 3 : corticale fine, os spongieux.
  • Type 4 : corticale quasi absente, densité très faible.


Ces classifications orientent le nombre d’implants, la séquence de forage et la durée de cicatrisation.

Gestion des complications : que faire en cas de lésion nerveuse ou vasculaire

En cas de lésion nerveuse :

 

  • Arrêtez la procédure immédiatement.
  • Retirez l’implant s’il est en cause.
  • Administrez corticoïdes et antalgie adaptée.
  • Informez le patient et orientez vers un spécialiste si paresthésie persistante.


En cas de saignement massif :

 

  • Comprimez fermement avec des tampons imbibés d’hémostatiques.
  • Vérifiez la voie aérienne si œdème important.
  • Envisagez une suture d’hémostase si nécessaire.

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