Comment structurer un bilan diagnostic kiné en cas de lombalgie ?

Par Alphonse Doutriaux

25 juillet 2025

6 min

Le bilan diagnostic kinésithérapique est une étape incontournable de la prise en charge, mais encore trop souvent sous-estimée. En tant que kinésithérapeute, vous êtes pourtant en première ligne pour structurer un soin pertinent, fondé sur des données cliniques solides et une évaluation fonctionnelle individualisée. Or, dans le cas de la lombalgie, cette exigence prend tout son sens. Pathologie fréquente, aux causes multiples et au potentiel de chronicisation élevé, la lombalgie nécessite un bilan rigoureux, tant sur le plan musculaire, articulaire que neurodynamique. Ce bilan ne doit pas se limiter à un formulaire administratif : il vous sert à comprendre, à classer et à guider votre intervention.

 

Cet article vous propose une méthode claire, pratique et conforme aux recommandations pour construire un bilan diagnostic kinésithérapique solide en cabinet, centré sur la lombalgie.

Pourquoi le bilan diagnostic kinésithérapique est indispensable en lombalgie

Le bilan diagnostic kinésithérapique – ou BDK – est à la fois une obligation professionnelle et un outil clinique structurant. Il permet d’objectiver la plainte du patient, de formuler une hypothèse fonctionnelle et de bâtir un plan de traitement raisonné. Dans le cas d’une lombalgie, ce bilan vous aide à distinguer les différents profils de patients : mécanique, fonctionnel, neurodynamique ou psychogène.

 

Il vous permet aussi d’identifier des drapeaux rouges ou jaunes, de justifier une réorientation médicale si nécessaire, et d’orienter les priorités thérapeutiques. En résumé, un bon BDK augmente l’efficacité du traitement, renforce la qualité de la relation soignant-patient et vous protège juridiquement.

Interroger pour comprendre : l’importance de l’anamnèse

Tout commence par l’écoute. Une anamnèse approfondie est indispensable pour orienter votre évaluation. Dans le cadre d’une lombalgie, vous devez chercher à comprendre :

 

  • Le mode d’apparition de la douleur (brutal, progressif, post-traumatique…) ;

  • Sa localisation (lombaire, fessière, irradiation vers les membres inférieurs) ;

  • Sa nature (mécanique, inflammatoire, référée, radiculaire) ;

  • Son évolution (aiguë, subaiguë, chronique) ;

  • Les facteurs aggravants ou soulageants ;

  • Les antécédents et pathologies associées.

 

Pensez également à dépister les facteurs psycho-sociaux susceptibles de maintenir ou d’aggraver la douleur : peur du mouvement, isolement, inactivité prolongée, stress professionnel… Ce sont autant d’éléments à intégrer dans votre raisonnement clinique.

Examiner pour objectiver : les tests utiles au BDK lombaire

L’examen physique vous permet de passer de l’intuition à l’objectivation. Pour cela, vous devez mobiliser des tests ciblés, validés et reproductibles. Voici les principaux à intégrer dans votre bilan :

Évaluation de la mobilité lombaire

Analysez les mouvements actifs et passifs en flexion, extension, inclinaisons et rotations. Observez les amplitudes, les compensations, les zones douloureuses et les blocages segmentaires.

Contrôle moteur et stabilité lombo-pelvienne

Utilisez des tests tels que le test de flexion active de jambe (ASLR) ou les tests de gainage pour évaluer la capacité du patient à stabiliser son rachis.

Tests neurologiques et neurodynamiques

Effectuez les tests de Lasègue, de Léri, les ROT, le testing moteur et sensitif des membres inférieurs. Recherchez une éventuelle composante radiculaire ou un syndrome de souffrance discale.

Palpation et repérage segmentaire

Palpez les épineuses, les para-vertébraux, les articulations postérieures. Repérez les zones de tension, d’hypertonie ou d’hypomobilité.

 

Ces tests doivent être choisis en fonction de ce que vous suspectez, et non appliqués systématiquement. C’est votre hypothèse clinique qui guide l’examen, et non l’inverse.

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Analyser et classer : poser un diagnostic fonctionnel clair

Votre mission ne s’arrête pas à constater des déficits. Vous devez aller plus loin : comprendre le profil fonctionnel de votre patient. En lombalgie, plusieurs modèles sont possibles :

 

  • Une dysfonction de mouvement avec restriction articulaire ;

  • Un trouble du contrôle moteur (instabilité, mauvaise synergie musculaire) ;

  • Une douleur d’origine neurodynamique (irritation ou compression radiculaire) ;

  • Une douleur centrale sensibilisée, souvent retrouvée en cas de chronicisation.

Ce diagnostic vous permet de choisir des techniques ciblées, de fixer des objectifs réalistes et d’impliquer le patient dans son processus de soin.

Définir des objectifs précis et adaptés à la lombalgie

Formuler des objectifs thérapeutiques est indispensable pour orienter les soins, suivre l’évolution du patient et rendre compte de votre efficacité. Ces objectifs doivent être :

 

  • Spécifiques (ex. : améliorer la flexion lombaire de 20°) ;

  • Mesurables (ex. : EVA, test de mobilité, échelle d’incapacité) ;

  • Atteignables et adaptés à la phase (aiguë ou chronique) et au profil du patient.

 

L’objectif ne doit pas être “aller mieux”, mais par exemple “reprendre la station assise prolongée” ou “réaliser sans douleur les gestes de manutention”.

Construire un plan de traitement structuré

Le bilan doit naturellement déboucher sur un plan de traitement individualisé. Celui-ci est souvent divisé en trois à quatre phases :

 

  1. Phase de décharge et d’éducation (réassurance, auto-exercices, positions antalgiques) ;

  2. Phase de mobilisation articulaire et myofasciale (thérapie manuelle, mobilisation segmentaire) ;

  3. Phase de stabilisation active (renforcement, gainage, coordination, proprioception) ;

  4. Phase de réentraînement fonctionnel (simulations de gestes professionnels ou domestiques).

 

À chaque phase, vous devez prévoir des indicateurs de progression et programmer une réévaluation régulière.

Formaliser votre bilan pour valoriser votre expertise

Un bilan bien structuré doit être rédigé et archivé. Il vous protège sur le plan médico-légal, améliore la communication avec les médecins prescripteurs, et peut être partagé dans le cadre d’un parcours de soins coordonné.

 

Pensez à intégrer dans votre fiche bilan :

 

  • Les données de l’anamnèse ;

  • Les résultats des tests cliniques ;

  • Votre diagnostic fonctionnel ;

  • Vos objectifs et votre plan de traitement ;

  • Les critères de réévaluation.

Un outil de communication et de valorisation professionnelle

Le bilan diagnostic kinésithérapique n’est pas qu’un support de travail personnel : c’est aussi un outil de dialogue interprofessionnel. En l’intégrant à vos échanges avec le médecin prescripteur ou d’autres membres du parcours de soin (ergothérapeute, médecin du travail, psychologue), vous favorisez une coordination plus fluide et centrée sur l’évolution fonctionnelle du patient. Il renforce également votre crédibilité auprès des patients, qui voient dans votre méthodologie une preuve de compétence et de rigueur.

 

Dans le contexte de la lombalgie, cette communication claire autour du raisonnement clinique contribue à rassurer, à responsabiliser et à renforcer l’alliance thérapeutique. En d’autres termes, un BDK bien mené, c’est aussi une posture professionnelle valorisée.

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