Comprendre les objectifs des exercices en cas de lombalgie chronique
En tant que kinésithérapeute, votre rôle ne se limite pas à soulager la douleur. En cas de lombalgie chronique, vous devez réactiver le mouvement, restaurer la fonction motrice, et réduire l’évitement comportemental.
L’objectif des exercices n’est donc pas seulement biomécanique. Il est aussi neuromoteur, neuropsychologique et fonctionnel.
Les exercices doivent permettre de :
- Réduire la peur du mouvement (kinésiophobie) ;
- Reprogrammer le schéma moteur (contrôle lombo-pelvien) ;
- Réentraîner les muscles profonds (transverse, multifides) ;
- Restaurer la capacité à bouger sans douleur ni compensation ;
- Favoriser le retour à une activité physique autonome.
Structurer la progression en quatre grandes phases
Le choix des exercices pour la lombalgie chronique doit respecter une logique de progression. Voici un modèle structurant en quatre étapes, adapté à la plupart des profils rencontrés en cabinet.
Phase 1 : Réassurance et auto-exercices antalgiques
Objectif : Rassurer le patient sur la non-dangerosité du mouvement et l’aider à retrouver une certaine liberté articulaire sans déclencher la douleur.
Exemples d’exercices kiné :
- Bascule du bassin en position allongée (mobilité active douce)
- Respiration abdominale avec contrôle du transverse
- Étirement en position de l’enfant (sans verrouillage articulaire)
- Autograndissement assis ou debout
Ces exercices sont simples, sécurisants, réalisables à domicile et idéaux pour relancer le mouvement sans provoquer de crainte excessive.
Phase 2 : Récupération du contrôle moteur
Objectif : Rééduquer le contrôle des muscles profonds et de la synergie lombo-pelvienne.
Chez les patients lombalgiques chroniques, on observe souvent une inhibition du transverse et des multifides.
Exercices recommandés :
- Activation du transverse en décubitus (progression en appui quadrupédique)
- Contrôle en position quatre pattes avec levée de bras ou de jambe (bird-dog)
- Pont fessier avec maintien du bassin stable
- Stabilisation du tronc sur Swiss Ball
Ces exercices permettent de cibler les déficiences motrices tout en évitant le renforcement excessif des muscles superficiels, souvent déjà hypertoniques ou compensateurs.
Phase 3 : Renforcement fonctionnel progressif
Objectif : Renforcer en dynamique, avec une exigence croissante en termes de coordination et d'endurance. Cette phase vise à rendre les mouvements du quotidien plus fluides et sûrs.
Exemples d’exercices kiné en lombalgie :
- Squats partiels ou sur chaise, avec gainage actif
- Soulevé de charges légères en posture correcte (charnière hanche-dos)
- Montée-descente de marche avec maintien de la stabilité pelvienne
- Gainage dynamique (planche, side plank, variantes instables)
À cette étape, il est essentiel d’intégrer des contraintes réelles, en lien avec les activités professionnelles ou domestiques du patient.
Phase 4 : Réentraînement à l’effort et à la tâche
Objectif : Transférer les acquis vers des situations complexes et améliorer la tolérance à l’effort.
Exemples :
- Circuit training fonctionnel (pompes sur mur, squats, step, tractions élastiques)
- Exercices en chaîne fermée avec instabilité (coussins, BOSU)
- Simulations d’activités réelles (port de charge, posture prolongée, position de travail)
Cette phase permet au patient de retrouver confiance, performance et autonomie. Elle réduit le risque de rechute et favorise la reprise de l’activité physique durable.

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Adapter les exercices au profil lombalgique
Tous les exercices ne conviennent pas à tous les patients. Il est essentiel d’identifier le profil fonctionnel de la lombalgie :
- Lombalgie par dysfonction articulaire : privilégier les mobilisations et le gain de mobilité.
- Lombalgie par instabilité : orienter vers le contrôle moteur et le gainage.
- Lombalgie avec douleur référée : travailler la mobilité neurodynamique et la posture.
- Lombalgie centralisée (douleur chronique sensibilisée) : intégrer des exercices sensorimoteurs, de relaxation, et favoriser le plaisir du mouvement.
Le bilan diagnostic kinésithérapique est donc indispensable pour orienter la stratégie d’exercices.
Conseils pour une mise en œuvre efficace
Voici quelques principes clés pour optimiser vos séances :
- Commencer toujours par une démonstration active et rassurante ;
- Limiter la douleur à moins de 3/10 sur l’EVA pour éviter l’effet nocebo ;
- Favoriser le feedback visuel ou tactile (miroir, main sur le bassin) ;
- Intégrer des consignes simples et positives ("contractez ici", "allongez votre colonne", etc.) ;
- Adapter l’intensité et le nombre de répétitions en fonction de la fatigue et de l’évolution du patient.
Exercice lombalgie chronique – ce qu’il faut éviter ou adapter
Si l’objectif est de restaurer une mobilité fonctionnelle, tous les exercices ne sont pas pertinents, en particulier dans les premières phases de la rééducation. Certains mouvements peuvent aggraver les symptômes ou renforcer les compensations délétères.
Voici les principales erreurs à éviter :
- Renforcement intempestif des muscles superficiels (grand droit, érecteurs du rachis) chez les patients déjà en hypertonie lombaire ;
- Gainage trop intense ou trop précoce (planche statique longue, Crunch) ;
- Étirements passifs prolongés sans contrôle actif du patient, notamment en cas de douleur radiculaire ;
- Exercices en extension répétés si la douleur est augmentée en rétroversion ou en charge postérieure.
À l’inverse, certains exercices classiques peuvent être adaptés avec succès :
- Le soulevé de terre avec barre légère et charnière hanche contrôlée est très utile en phase 3–4 ;
- Les squats peuvent se faire contre un mur ou avec un ballon pour diminuer les contraintes lombaires ;
- Le gainage abdominal doit rester dynamique, court, et associé à une respiration diaphragmatique.
L’essentiel est de ne pas appliquer de modèle rigide. Observez, testez, adaptez et proposez des alternatives qui respectent le seuil de tolérance du patient.
Exemple de séance type pour lombalgie chronique
Durée : 30 minutes
Structure :
- Mobilisation douce 5’
- Activation gainage 5’
- Renforcement fonctionnel 10’
- Travail en charge 5’
- Retour au calme / étirements 5’
Cette base est bien sûr ajustable selon la phase de rééducation et les capacités du patient.
Aider votre patient à s’approprier ses exercices
En cabinet, vous posez les bases du mouvement. Mais pour traiter durablement une lombalgie chronique, il est fondamental d’impliquer le patient dans sa propre rééducation. Cette approche active augmente l’observance, améliore les résultats et favorise l’autonomisation.
Voici quelques stratégies à intégrer :
- Donner une fiche papier ou un lien vidéo des exercices à refaire à la maison
- Programmer un suivi sur 4 à 6 semaines avec des points d’étape concrets
- Fixer un objectif fonctionnel partagé (ex. : pouvoir soulever un sac de 10 kg, marcher 30 min…)
- Utiliser un carnet de bord d’auto-évaluation pour noter les ressentis et les progrès
- Proposer un programme de maintien après la fin de la prise en charge active (yoga adapté, natation, gainage léger…)
Cette démarche vous permet de valoriser votre rôle éducatif et de limiter les risques de rechute. Vous passez du soin passif au coaching thérapeutique, avec un impact bien plus durable sur la qualité de vie du patient.
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